Localisation stratégique, partenaires et acteurs portuaires expérimentés, équipements dédiés… le Port d’Anvers bénéficie certes de nombreux atouts pour alimenter en produits alimentaires les consommateurs européens. Il développe aussi des solutions innovantes en partenariat avec la communauté portuaire. C’est cette même volonté d’innovation qui l’a conduit à créer un Fonds d’innovation agricole pour favoriser une coexistence durable entre l’agriculture, la nature et les activités portuaires.
Entretien avec Ingrid Vanstreels, Business development advisor, et Dorien Van Cauteren, Expert environnement, Port d’Anvers
Le Port d’Anvers est un membre actif de l’AIVP depuis 2008
AIVP – En 2019 vous aviez réaffirmé votre ambition de devenir le 1er port en Europe pour les denrées périssables. De fait ce trafic est en croissance ces dernières années à Anvers. Quels sont vos principaux atouts dans ce domaine ?
Ingrid Vanstreels, Business development advisor, Port of Antwerp – Tout d’abord, notre principal avantage est notre localisation stratégique. En tant que port intérieur en eau profonde situé à 80 km à l’intérieur des terres, c’est souvent le port d’Anvers qui se trouve être le plus proche des centres de consommation d’Europe. C’est la raison pour laquelle bon nombre de lignes maritimes régulières font escale au port d’Anvers et la raison pour laquelle nous sommes le premier port d’escale européen pour de nombreuses destinations d’Amérique latine et d’Afrique occidentale. Non seulement nous disposons d’excellentes liaisons outre-mer, mais l’étendue de notre réseau européen d’autoroutes, de voies navigables et de lignes ferroviaire nous permet d’offrir un accès facile à l’hinterland. On peut donc affirmer sans crainte que le Port d’Anvers offre les meilleures options pour passer rapidement du producteur au consommateur.
La capacité d’un port est évidemment proportionnelle à celle des entreprises qui sont installées localement. À Anvers, des entreprises spécialisées installées depuis des années et passionnées par leur métier sont désireuses de partager leur savoir-faire. Elles proposent une vaste gamme de services à valeur ajoutée comme le stockage dans des espaces tempérés et réfrigérés, le contrôle phytosanitaire et le dédouanement des marchandises. En outre, nos prestataires de services ont su adapter leurs capacités à la demande croissante en produits frais.
Par ailleurs, Anvers ne manque pas de transitaires expérimentés. Accompagnement des clients pour optimiser l’itinéraire de transport international, services de représentation fiscale et prise en charge des formalités documentaires, douanières et d’inspection, ils assument tous les tracas.
Pour stimuler la croissance du secteur, l’autorité et les acteurs portuaires ne cessent d’investir dans des équipements de pointe pour les opérations de manutention. Lorsque que l’on visite le port, on peut voir des portiques ultramodernes charger et décharger des porte-conteneurs d’une capacité de plus de 23 000 TEU. Et tous les terminaux à conteneurs anversois sont équipés d’installations frigorifiques totalisant jusqu’à 8 000 branchements. Par exemple, les bananes et les ananas que l’on décharge sont stockés dans des chambres froides automatisées avant d’être mises sur le marché dans un délai de moins 48 heures. La chaîne est soumise à une forte pression, mais nous avons suffisamment d’expérience pour y faire face.
Enfin et surtout, le Port d’Anvers doit sa grande réputation à sa main d’œuvre hautement qualifiée et son niveau de productivité.
AIVP – Vous avez par ailleurs créé un Fonds pour l’innovation agricole et lancé des appels à projets en 2020, puis en 2021, en direction des agriculteurs de la rive gauche de l’Escaut. L’objectif est de trouver des solutions qui renforcent la synergie entre le port, l’agriculture et la nature sur ce secteur. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette initiative et sur cette nouvelle forme d’agriculture qu’elle permettra de développer ?
Dorien Van Cauteren, expert en environnement du Port d’Anvers – En septembre 2021, le Port d’Anvers a lancé un deuxième appel à projets dans le cadre du Fonds pour l’innovation agricole. Cette initiative soutient des projets agricoles innovants et durables dans les polders de Zeeland-Waase. Les agriculteurs qui ont souhaité faire l’effort d’adapter leur activité pour contribuer à préserver la biodiversité tout en maintenant leur rentabilité ont eu la possibilité de soumettre leur projet jusqu’en décembre dernier.
Entre l’Escaut, le port et l’hinterland de la Flandre zélandaise, le paysage est caractérisé par des digues et des marécages, des porte-conteneurs qui vont et viennent et de vastes polders. Le secteur agricole doit faire face à la sécheresse, au manque d’eau, à l’évolution rapide des réglementations et à la perte de biodiversité.
La zone des polders doit pouvoir concilier agriculture, nature et activités portuaires. En créant le Fonds pour l’innovation agricole, le Port d’Anvers a voulu encourager l’innovation dans les exploitations agricoles. Les innovations que nous soutenons réduisent l’impact sur l’environnement et consolident les exploitations.
Le Fonds pour l’innovation agricole vise à soutenir les agriculteurs de la région qui désirent adapter leur activité pour qu’elle reste rentable tout en contribuant à l’atteinte des objectifs environnementaux. Il s’agit, entre autres, de promouvoir la biodiversité par des cultures qui nécessitent moins d’engrais et de pesticides ou adaptées à des pratiques moins intensives.
Cultures favorables aux busards et polyculture
Suite à un premier appel à projets, 9 initiatives ont été lancées. Les agriculteurs travaillent de diverses manières à des adaptations qui favorisent, par exemple, la vitalité et l’état des sols, la capacité de rétention d’eau et la restauration de la biodiversité. Par exemple, certains projets expérimentent l’utilisation spécifique de bandes fleuries comme mécanisme naturel de lutte contre les ravageurs ou bien s’appliquent à développer l’intégration et l’optimisation des cultures sans danger pour les busards dans les plans agricoles.
La polyculture est utilisée pour préserver les busards. La principale difficulté que présente cette technique est qu’elle exige que différentes variétés soient semées à diverses profondeurs. De nombreux agriculteurs ont donc mis au point des machines qui permettent de semer simultanément à différentes profondeurs. Le haricot commun et le méteil peuvent être semés en un seul passage. Selon l’organisation, ces cultures peuvent non seulement constituer des zones de ravitaillement pour le busard des roseaux mais elles peuvent aussi servir de fourrage pour les vaches, et ainsi réduire la dépendance des agricultures aux importations de sources de protéines comme le soja. Une solution gagnant-gagnant pour l’économie et l’écologie, adaptée à chaque exploitation.
Le jury évalue les propositions de projets
Du fait de la diversité des entreprises agricoles, les mesures à appliquer peuvent beaucoup varier. Le Fonds d’innovation aide les agriculteurs à déposer leur dossier et les accompagne tout au long du processus. Cet appel à projets s’adresse essentiellement aux agriculteurs flamands, mais l’initiative a aussi été lancée du côté néerlandais du polder. Maintenant que les propositions de projets ont été soumises, un jury professionnel va procéder à leur évaluation et les plus prometteurs seront présentés en février 2022.