Les différents sites portuaires du Port Autonome de Strasbourg sont tous situés dans la vallée du Rhin, un espace très riche en matière de biodiversité. Soucieux de pérenniser et développer ses activités, ses gestionnaires affirment également leur volonté de préserver cette biodiversité et multiplient les actions pour y parvenir. Ils sont ainsi pleinement en phase avec l’engagement 10 de notre agenda AIVP 2030.
Un entretien avec Emilie GRAVIER, Directrice du Développement au Port Autonome de Strasbourg.
Le Port Autonome de Strasbourg est membre de l’AIVP depuis 1994
AIVP – Vous vous êtes engagé depuis 10 ans dans une stratégie volontariste en faveur de la biodiversité. Quels objectifs et orientations vous êtes-vous fixés pour cette stratégie ?
Emilie GRAVIER, Directrice du Développement, Port autonome de Strasbourg –
Depuis 2011, le PAS est engagé dans une démarche visant à préserver la biodiversité. Lors de la définition de notre politique RSE en 2018, la biodiversité y était définie comme l’une des actions prioritaires au sein de l’axe consacré à la transition écologique et énergétique. En 2019, nous avons souhaité nous doter d’une véritable stratégie en matière de biodiversité afin de structurer nos différentes actions, d’aller plus loin et de rendre des comptes. Elle a abouti suite à un travail avec l’Agence d’urbanisme de Strasbourg qui a fait prendre conscience de l’environnement forestier très riche aux abords du port, de l’important patrimoine arboré présent dans le port lui-même, et des espèces observées sur notre territoire.
Avec cette stratégie, nous avons 2 grands objectifs : préserver et améliorer les continuités écologiques pour assurer les fonctionnements écologiques, d’une part, et, d’autre part, assurer la préservation de la biodiversité en équilibre avec la vocation économique des sites.
AIVP – Pourriez-vous nous donner quelques exemples des actions que vous avez mises en œuvre ?
Emilie GRAVIER, Directrice du Développement – Dès 2011, nous avons réalisé avec une association un diagnostic de nos pratiques d’entretien de nos espaces et identifié les pistes d’amélioration qui ont, toutes, été mises en œuvre : fauchage différencié, plantation de prairies fleuries, intégration des bonnes pratiques dès la conception des aménagements, tests de produits et méthodes alternatives aux produits phytosanitaires. Grâce à ces mises en œuvre, nous avons obtenu en 2014 le label « deux Libellules » récompensant des pratiques d’entretien d’espaces verts favorables à la biodiversité et qui est délivré par l’Agence de l’Eau et la Région Grand Est. Ce premier contact avec une association de défense de l’environnement a été très positif et a conduit à d’autres échanges fructueux.
Ainsi, depuis 2016-17, des liens ont été établis avec Haies Vives d’Alsace qui ont conduit à la plantation, sur l’espace portuaire, de haies champêtres à base d’espèces locales. A la demande des fédérations de pêche, le PAS faucarde, depuis 2017, à distance des berges pour favoriser la reproduction des poissons tout en maintenant un gabarit de navigation admissible. En avril 2021, des équipes d’Alsace Nature ont sensibilisé les équipes du port à un entretien plus vertueux des zones herbeuses.
De la propre initiative du PAS, des ruches et des hôtels à insectes ont aussi été installés sur tout le territoire du port.
Plus récemment, nous avons mis en place, avec l’association Les éco-pattes, de l’éco-pâturage sur nos espaces de Lauterbourg avec un troupeau de moutons Heidschnucke qui seront bientôt rejoints par des vaches Galloway et des chevaux de Camargue. Cette action vise à reconquérir la biodiversité et retrouver un paysage de prairie extensive de type riedienne face à des plantes exotiques envahissantes qui nuisent à la biodiversité végétale sur les terrains concernés. C’était une action prévue dans notre stratégie.
AIVP – Quel bilan faites-vous à ce jour pour ces actions, et quelles évolutions envisagez-vous ?
Emilie GRAVIER, Directrice du Développement – C’est encore un peu tôt pour tirer le bilan de l’éco-pâturage qui a été lancé seulement en septembre dernier, mais nous avons prévu un suivi scientifique très précis pour en tirer les leçons et améliorer les connaissances en matière de gestion écologique de la biodiversité.
En revanche, le bilan des actions menées depuis 2011 est très positif. Elles ont d’ailleurs permis de faire évoluer les regards où pendant longtemps une pelouse qui n’était pas tondue au millimètre était considérée comme mal entretenue.
Au-delà des actions elles-mêmes, cela valide surtout la méthode : ne pas faire dans son coin, mais travailler en partenariat avec les acteurs locaux, en particulier les associations environnementales, pour définir et mettre en œuvre les actions pertinentes. Et c’est bien le cœur de notre stratégie : pérenniser cette méthode partenariale de territoire.
AIVP – Comment impliquez-vous dans votre stratégie en faveur de la biodiversité les entreprises déjà présentes ou souhaitant s’implanter sur le territoire du port ?
Emilie GRAVIER, Directrice du Développement – L’implication des entreprises est très importante pour avoir un territoire portuaire favorable à la biodiversité. Si les équipes du port n’utilisent pas de produits phytosanitaires sur les espaces publics, mais que de l’autre côté des clôtures, les entreprises n’ont pas les mêmes pratiques, l’objectif n’est pas atteint.
Nous venons de lancer un nouveau projet que nous avons appelé Es’PAS de biodiversité en partenariat avec l’Office des données naturalistes du Grand Est, l’Agence d’urbanisme et l’Eurométropole de Strasbourg. Ce projet nous permettra de modéliser les déplacements des espèces sur le port, d’identifier des obstacles et de définir des aménagements pertinents pour y remédier. Un axe très important de ce projet est justement consacré à l’implication des entreprises du port dans cette thématique au travers d’ateliers. Nous sommes optimistes sur leur implication car un sondage récent montre que de nombreuses entreprises sont volontaires pour travailler avec nous sur cette thématique.
AIVP – Pour finir quelles coopérations avez-vous mises en œuvre avec les autres acteurs concernés par ces enjeux de biodiversité, que ce soit la Ville et l’Eurométropole de Strasbourg ou les associations et experts ?
Emilie GRAVIER, Directrice du Développement – Comme je l’ai dit, la coopération est au cœur de toute notre action en matière de biodiversité. Sur ce sujet, nous ne voulons jamais faire seul. Le port s’intègre dans des trames vertes et bleues qui dépassent largement notre territoire et si nous voulons être pertinents il faut travailler avec les sachants du territoire et à la bonne échelle. Le nouveau projet Es’PAS de biodiversité est structurant pour l’avenir, pour nos futures actions et il associe dès le départ les acteurs locaux.
AIVP, Novembre 2021