La mobilité durable est l’une des priorités de la Commission européenne. C’est pourquoi plusieurs projets financés par l’UE se concentrent sur cette question, en encourageant la coopération et le partage des bonnes pratiques entre les différentes villes. C’est le cas de la famille de projets Civitas, dont l’un est axé sur les défis spécifiques de la mobilité entre les villes et les ports, le Civitas Portis. Comme l’explique Dirk Engels, modérateur de notre webinaire sur la mobilité, dans son article, l’approche défendue dans le projet, basée sur un partage intelligent des données pour une meilleure gouvernance et une meilleure planification, a produit des résultats positifs évidents dans les cinq cas : Aberdeen, Anvers, Constanta, Klaipeda et Trieste.
Élaboré dans le cadre de l’initiative CIVITAS pour des transports plus propres et de meilleure qualité en Europe et au-delà, le projet CIVITAS PORTIS a conduit à la mise en œuvre de plus de 40 mesures stratégiques en matière de mobilité et de logistique dans les villes portuaires d’Aberdeen, Anvers, Constanta, Klaipeda et Trieste. Cette approche visant à construire des villes propres où il fait bon vivre a changé la donne de la mobilité durable dans toutes les villes partenaires du projet. Nul doute qu’elle fera de nombreux émules parmi les autres villes, qu’elles soient portuaires ou non, de densité comparable. Les études ont montré que les mesures appliquées par CIVITAS PORTIS se traduiront par une amélioration du fonctionnement des villes et des ports grâce à des mesures et stratégies innovantes dans les différents domaines abordés par CIVITAS. Cela aura des effets très positifs sur la coopération entre les parties prenantes, sur l’utilisation et la perception du système de transport par les citoyens, sur le système de transport lui-même, ainsi que sur l’environnement, l’économie et l’énergie.
La ville portuaire durable, selon CIVITAS PORTIS
L’approche suivie par CIVITAS PORTIS va, avant toute chose, inciter d’autres villes portuaires à créer un cadre efficace pour de futures villes portuaires durables, un modèle de gouvernance solide et un système intelligent de gestion des données.
Selon la typologie des villes portuaires, dont l’extension du domaine portuaire, la taille du port par rapport à celle de la ville, les trafics urbain et portuaire et les interactions spécifiques, des mesures différentes seront appliquées pour mettre en place une solide structure de gouvernance. Les politiques décisionnelles intégrées et la planification des SUMP ou plans de mobilité urbaine durable, ainsi que des masterplans conjoints et une coopération technique renforcée pour développer et gérer le système de transport multimodal, sont ici des éléments essentiels. Cette structure de gouvernance, plus formelle, s’appuie sur des plateformes de discussion informelles qui intègrent les démarches locales et régionales (par exemple, les nouvelles structures collaboratives institutionnelles créées à différents niveaux opérationnels et décisionnels, les ateliers, les groupes de discussion, les manifestations, les plateformes de partage des connaissances et la coopération poussée entre tous les acteurs). Ce SUMP intégré est à la base de l’élaboration d’une vision commune de la mobilité durable associée à des ensembles complets de mesures.
Pour répondre aux défis actuels et à venir concernant le traitement des données de mobilité, qu’elles soient relatives à la planification, historiques ou communiquées en temps réel, requis pour assurer la gestion de notre système de mobilité multimodale, et dans le but d’informer, d’encourager un comportement optimal en matière de mobilité et d’influencer les choix des parties prenantes et des utilisateurs finaux, la plateforme fonctionne par l’accumulation et l’intégration progressive de différentes couches de données. Ce type de système de données intelligent repose essentiellement sur de bons concepts organisationnels conjugués à des ententes claires autorisant la communication des données au public et aux acteurs privés et réglementant l’usage qui en est fait, ainsi que sur des réseaux techniques robustes pour la transmission. Les données, définies selon les normes les plus récentes, sont livrées dans des formats intelligents qui incorporent des informations de sources différentes dans une plateforme commune. Les nouvelles normes européennes vont permettre une plus grande intégration des données fournies par les villes et les régions.
Développées à partir de ces plateformes de données intelligentes, des applications intelligentes serviront à développer et réguler des systèmes de mobilité multimodale performants, de même qu’ils permettront de renseigner les parties prenantes, les entreprises et le public sur les solutions de mobilité à leur disposition afin de les inciter à faire des choix durables.
Ces applications intelligentes constituent d’excellents outils pour l’organisation de campagnes intensives, permanentes et sans exclusive destinées à encourager les nouveaux comportements et inciter les automobilistes à utiliser des solutions alternatives comme les déplacements actifs ou les voyages partagés, plutôt que la voiture en solo. La démarche est soutenue par des échanges approfondis avec les collectivités locales visant à lever les obstacles ou les difficultés liés à l’évolution vers de nouveaux modes de transport, optimiser la gamme de produits et services proposés et améliorer le ciblage des campagnes. Les entreprises portuaires et autres entreprises de transport et logistique entretiennent elles aussi un dialogue permanent avec la ville. Dans la même idée, des initiatives spécifiques, telles que la création d’une marketplace de la mobilité et de plateformes employeurs, sont actuellement en cours dans l’objectif de développer des partenariats public-privé ainsi que des solutions durables à la circulation routière, que ce soit pour l’acheminement des marchandises ou les déplacements professionnels.
Dans les villes partenaires de CIVITAS PORTIS, les déplacements à vélo et à pied sont un premier choix, y compris pour aller travailler au port. L’ensemble des habitants, visiteurs, acteurs et entreprises l’approuve et ces agglomérations disposent aujourd’hui d’une infrastructure appropriée et suffisamment étendue, comprenant des pistes cyclables larges, sûres et adaptées, des voies et passages piétons sûrs, des services connexes tels que le bus spécial vélo qui permet de se rendre de l’autre côté du canal en emportant son vélo, ainsi que des espaces publics sans voitures.
Le déploiement d’un système de transport public urbain et régional plus étendu doit reposer sur un réseau performant dotée de lignes à haute fréquence entièrement prioritaires. L’intégration des pôles d’échange garantit l’articulation des modes de transport, pour une utilisation durable et optimale du multimodal et un usage limité de la voiture en zones urbaines sensibles.
Les transports publics terrestres et la circulation des voitures sont gérés de façon optimale à l’aide d’un système performant et selon des règles de priorité pertinentes pour l’ensemble des modes conjugués. Le système étant relié à la plateforme de données, les usagers obtiennent des informations en temps réel sur les différents moyens de transport à leur disposition et sont ainsi plus enclins à se mettre au vert et se déplacer autrement.
Les villes portuaires ont également mis en œuvre différentes stratégies de gestion du trafic de marchandises, notamment portuaire, afin d’éliminer ou réduire les effets négatifs induits dans les zones urbaines habitées. Une signalétique dynamique couplée à guidage routier dirige les camions vers des itinéraires dédiés raccordés au réseau de transport RTE-T, tandis que l’aménagement de voies d’accès intelligentes prétend maintenir les camions en zone périphérique jusqu’à ce qu’ils soient autorisés à entrer dans le port. Les zones urbaines situées à proximité du port sont ainsi à l’abri des nuisances (embouteillages, bruit, émissions polluantes). Par ailleurs, une partie du transport terrestre des marchandises a été remplacée par de la navigation fluviale en direction des pôle régionaux.
Si l’on fait la synthèse de ces éléments, l’on constate que l’intégration est le principe essentiel de la mise en œuvre du concept de CIVITAS PORTIS : intégration des processus de décision et de planification, intégration des modes de transport, mobilité pour tous ; et intégration des mesures dans une logique de renforcement mutuel, pour ainsi parvenir à construire des villes portuaires propres, intelligentes et dynamiques, où il fait bon vivre.
Effets escomptés d’ une mobilité propre, intelligente et intégrée
Les incidences réelles pour une ville ou une région qui mettrait en œuvre les stratégies recommandées par CIVITAS PORTIS vont dépendre de plusieurs facteurs contextuels. À partir des résultats obtenus dans les villes partenaires du projet, on peut s’attendre à ce que les villes portuaires qui veillent à une correcte application des mesures préconisées par CIVITAS PORTIS constatent une nette amélioration préfigurant une mobilité propre, intelligente et intégrée dans un environnement urbain agréable et une économie forte. Les changements observés dans les villes partenaires du projet peuvent déjà donner une indication des évolutions auxquelles on peut s’attendre.
D’abord, la sensibilisation des citoyens aux solutions de mobilité durable a fortement augmenté et celles-ci sont bien mieux acceptées. On observe aussi un changement comportemental significatif en faveur des transports en commun et encore davantage du vélo. À Anvers, par exemple, où l’on circule déjà beaucoup à vélo, la part de celui-ci est passée de 27% à 35%, avec une hausse plus marquée pour les employés du port (de 6% à 16% du nombre total de déplacements). À Aberdeen et Trieste, où l’usage du vélo est encore peu développé, nous avons constaté une croissance de l’ordre de 1 à 3% et de 2 à 4%. Dans toutes les villes partenaires de PORTIS, on utilise moins la voiture, avec un déclin allant de 5 à 10% pour Trieste, Anvers et Aberdeen.
Ces stratégies ont une nette incidence sur l’environnement, avec une meilleure qualité de l’air en centre-ville en raison de la réduction du nombre de voitures en circulation (y compris à Anvers en raison des mesures prises pour inciter la population à utiliser des véhicules plus propres dans les zones à faibles émissions). Une baisse de 7,5% des émissions de CO2 liées au transport a été observée dans la zone d’interface Ville Port de Klaipeda.
Les mesures prises ont permis de réduire le transport des marchandises dans les zones habitées, avec 11% supplémentaires de marchandises redirigées à l’extérieur du centre-ville pour Aberdeen, et un transport terrestre de marchandises réduit à 3 100 camions par mois pour Anvers.
L’approche PORTIS a eu des effets bénéfiques sur les chiffres de l’emploi en ville et en milieu portuaire, avec une croissance allant de 1 à 7% à Aberdeen, Anvers, Klaipeda et Trieste. Une bonne mobilité s’avère bénéfique à l’accessibilité au port, que ce soit pour l’acheminement des marchandises ou les déplacements des employés des entreprises portuaires.
Il est à noter que ces chiffres donnent une indication de l’évolution attendue dans les villes portuaires qui choisiront de rejoindre notre projet. En effet, les changements observés dans les villes déjà partenaires sont survenus assez rapidement et l’évaluation qualitative des mesures mises en place indique qu’il est raisonnable d’envisager une profonde évolution sur le long terme.
Pour en savoir davantage sur les mesures et stratégies recommandées par Portis : https://civitas.eu/portis
Plus d’informations sur l’Objectif 03 de l’Agenda 2030 de l’AIVP, sur la mobilité durable