La question de la mobilité durable est sans aucun doute l’un des principaux défis pour les villes portuaires. Depuis les routes maritimes internationales en passant par les corridors de fret ou bien encore des flux urbains et aux mouvements de passagers, toutes ces échelles très différentes sont interconnectées et doivent être harmonisées. Dans cet article de Systematica, nous pouvons tirer les leçons de deux cas italiens et de leurs projets les plus récents pour rendre la mobilité plus durable.
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La mobilité durable au sein des villes portuaires est avant tout une question d’intégration. D’un côté, l’intégration des trafics locaux dans les couloirs maritimes internationaux destinée à garantir le bon fonctionnement du transport et de la logistique à l’échelle mondiale. De l’autre, l’intégration Ville Port, qui repose, non seulement sur la coordination des usages fonciers et l’adaptation de nouvelles fonctions interdépendantes à des espaces traditionnellement isolés, mais aussi sur l’intégration des activités des ports locaux au sein d’un système de transport plus étendu dans leurs contextes urbains et métropolitains respectifs.
Systematica s’intéresse à la mobilité depuis plus de 30 ans. Elle a eu, à maintes reprises, l’occasion de traiter les problématiques de mobilité auxquelles sont confrontées les villes portuaires, que ce soit en Italie, en Europe ou dans le monde. Dans l’objectif de fournir un aperçu essentiel basé sur notre expertise, nous avons examiné les subtilités de la gestion de la mobilité dans le contexte des villes portuaires à travers les aménagements réalisés dans deux grandes capitales italiennes, Gênes et Venise, dont les trajectoires contemporaines divergentes ont été nourries aux XIIIème et XIVème siècles par des conflits historiques pour le contrôle de la mer Méditerranéenne.
Les villes en chiffres
Les deux villes portuaires (avec leur port) ne disposent actuellement pas des mêmes avantages compétitifs : l’activité portuaire de Gênes est davantage centrée sur la logistique et le trafic ferry, alors que Venise accueille un plus grand nombre de passagers de croisière. Gênes, qui détient 17% du trafic conteneur italien, est le premier port à conteneurs du nord de l’Italie et le deuxième, après Goia Tauro, au niveau national. En 2019, le trafic de marchandises dans les principaux terminaux génois s’est élevé à 68,1 millions de tonnes, ce qui, en dépit d’une baisse de 3,2% par rapport à 2018, reste encore presque trois fois supérieur à celui de Venise qui ne dépassait pas les 24,9 millions de tonnes la même année. À l’inverse, la forte activité croisière de Venise, qui atteint 1,4 million de passagers, soulevant de nombreuses controverses depuis quelques années, est presque deux fois supérieur à celle de Gênes (0,9 million), ce qui n’a rien de surprenant étant donné que Venise est la destination qui attire le plus grand nombre de touristes à l’échelle nationale. Si l’on considère le trafic ferry, les chiffres de Gênes (2,1 millions de passagers) sont dix fois supérieurs à ceux de Venise (0,2 million). Le trafic ferry des deux villes est toutefois relativement faible par rapport à ceux des ports du sud de l’Italie qui peuvent dépasser les 10 millions de passagers.
En termes d’échelle, il convient de mentionner que le territoire vénitien qui s’étend sur environ 158 km2 (environ 40% de la région métropolitaine) est presque deux fois moins étendu que celui de Gênes (240 km2). De même, la population de Gênes, qui compte 570.000 habitants pour une densité de 2 377 habitants au kilomètre carré est sensiblement plus élevée que celle de Venise, qui compte 260.000 habitants pour une densité d’environ 623 habitants au kilomètre carré. Il faut toutefois tenir compte du déséquilibre qui existe à Venise entre le nombre d’habitants et celui des visiteurs, la ville atteignant un ratio de 167 touristes par habitant contre, par exemple, 24 à Florence. La densité réelle de la population vénitienne est nettement plus élevée si l’on comptabilise les touristes. Cet état de fait a de lourdes conséquences sur le système de transport de la ville, en grande partie organisé en fonction des flux de touristes. Le réseau routier, les gares ferroviaires et les systèmes de navettes fluviales répondent davantage à la demande des touristes plutôt qu’aux besoins de la population locale.
Éloignement des ports : les conséquences urbaines de la conteneurisation
Les deux villes doivent leur histoire économique et sociale à leur emplacement stratégique le long des grandes routes commerciales internationales. Elles ont également compté parmi les premières villes du pays à s’industrialiser, le remarquable essor industriel de Gênes au XVIIIème siècle lui ayant valu le nom de « ville sidérurgique ». Le développement de la conteneurisation au cours de la deuxième moitié du XXème siècle et l’apparition de nouvelles technologies portuaires ont rendu obsolètes les anciens ports des deux villes, incitant au déplacement de leurs activités à l’extérieur des centres-villes. En 1969, l’Italie inaugure l’un des deux premiers terminaux à conteneurs d’Europe à l’ouest de Gênes, alors que son centre-ville, le plus étendu d’Europe, est laissé à l’abandon. Les nombreuses opérations de régénération urbaine menées dans les années 90, dont le projet de waterfront Affresco développé par Renzo Piano pour rétablir le lien entre la ville et le port, ont favorisé la modernisation progressive du centre-ville. Et, suite à la stratégie marketing de planification urbaine mise en place par la ville, l’attractivité touristique de Gênes a été multipliée par quatre en cinq ans (entre 1999 et 2004).
Par ailleurs, du fait des nouvelles exigences techniques liées à la motorisation des bateaux, l’étroit réseau de canaux caractérisant la morphologie de l’archipel vénitien est devenu impropre à la navigation, repoussant vers l’intérieur des terres les activités industrielles et commerciales des ports. La création de liaisons ferroviaires avec Milan a encore accéléré le déplacement du centre de gravité industriel vers l’ouest, à mesure que le centre historique se transformait peu à peu en pôle touristique. L’activité du port du centre historique, envahi par la croisière, se limitant à l’accueil des passagers. Alors que le développement du tourisme génois présentait bien des atouts résultant d’une évolution spontanée, la concentration des touristes dans le port a provoqué un goulet d’étranglement. Plus que n’importe quelle ville au monde, Venise illustre les conséquences néfastes de la dynamique complexe de l’évolution des ports, de la patrimonialisation et des pressions excessives exercées par le tourisme urbain.
Structure urbaine et configurations portuaires
Les structures urbaines jouent aujourd’hui un rôle important dans le développement des activités et des capacités portuaires des deux villes. Les particularités orographiques de Gênes, entourée de montagnes qui s’élèvent à quelques centaines de mètres de la mer, associées à l’urbanisation massive de l’environnement portuaire, rendent difficile l’acquisition de nouveaux terrains pour y développer de nouvelles activités. La construction du port sec de Rivalta Scrivia à 75 km de la ville ne compense qu’en partie cet état de fait. En comparaison, à Venise, la stricte séparation des usages fonciers entre les activités industrielles de l’intérieur des terres et les services touristiques développés sur les îles du lagon, s’est matérialisée par la séparation fonctionnelle des deux terminaux principaux : d’un côté Marghera, de l’autre Venise. Le surfréquentation des îles et les pressions qu’elle induit sur le terminal de croisière pourraient à long terme nuire à l’efficacité et à la gestion globales du port, ainsi qu’on a pu le constater ces dernières années.
Investissements et progrès majeurs à l’échelle mondiale
La nécessité de reconsidérer les limites de capacité des deux villes portuaires s’impose à l’heure où les investissements réalisés à l’échelle régionale et continentale pour développer les réseaux de fret traduisent le rôle accru des ports méditerranéens à l’intérieur des corridors stratégiques reliant l’Europe et l’Asie. Au premier rang de cette évolution figure l’élargissement du Canal de Suez en 2015, qui a permis de doubler la capacité de trafic entre les ports européens et asiatiques. Comme l’a souligné Massimo Deandreis, directeur général du Centre pour la recherche économique (SRM), en matière énergétique et logistique, l’Italie constitue un « pont naturel » entre l’Europe et la région sud-méditerranéenne en raison de son emplacement stratégique le long de couloirs de transport clés.
Pour les grands ports du nord de l’Italie comme Gênes ou Venise, les principaux projets ferroviaires stratégiques, comme ceux déployés par la Commission européenne dans le cadre du réseau de transport transeuropéen (TEN-T), créent des opportunités à saisir pour développer des liaisons intermodales (respectivement les corridors 24 et 5) et ainsi mieux se positionner dans le secteur logistique. Comme l’a montré l’incident survenu en aout 2018 à Gênes, l’effondrement du Pont Morandi a non seulement paralysé la circulation routière mais a eu, par effet d’entraînement, des répercussions considérables sur l’économie de la ville et tout le système de transport. À Gênes, 70% du fret maritime est post-acheminé via les infrastructures routières, et seulement 20% par voie ferrée. La mise à mal d’un axe majeur de la chaîne logistique a obligé à rediriger les marchandises débarquées à Gênes vers d’autres ports faute de capacité suffisante. Renforcer la diversité intermodale en équilibrant les liaisons ferroviaires et routières peut apporter des bénéfices considérables pour le fonctionnement de tout le système de transport.
Lorsqu’il sera achevé, le corridor Rhin-Alpes reliant Gênes aux principaux ports belges et néerlandais de la mer du Nord, l’un des corridors de fret les plus actifs du continent, va renforcer la connectivité nord-sud. À l’inverse, le couloir méditerranéen qui traverse Venise consolidera l’axe est-ouest, depuis la frontière hongro-ukrainienne jusqu’en Espagne. En outre, de gros investissements alimentent la construction des tunnels de la Suisse AlpTransit à la frontière italienne dans le cadre de la NTFA (Nuove Trasversali Ferroviarie Alpine – nouvelle transversale ferroviaire alpine). Le tunnel de base du Mont Ceneri vient d’ailleurs d’être achevé en Suisse, complétant la NLFA (nouvelle ligne ferroviaire à travers les Alpes). Le développement d’un réseau ferré transcontinental à grande vitesse (HSR), associé aux nouveaux tunnels alpins, va représenter une économie d’espace et un gain de temps non négligeables. Ces deux investissements majeurs devraient en effet progressivement apporter d’énormes avantages macroéconomiques à l’Italie dans les 5 à 10 prochaines années.
En étroite collaboration avec de grands partenaires, Systematica a envisagé, à partir des deux innovations majeures ci-dessus, plusieurs scénarios possibles pour la Ligurie. La capacité accrue du canal de Suez a favorisé le trafic maritime méditerranéen, tant au niveau du nombre que de la taille de bateaux, avec un barycentre renforcé et situé plus au sud. De l’autre côté, l’inauguration du tunnel Gotthard en Suisse a ouvert la possibilité d’une liaison rapide et directe entre Gênes et la région du nord des Alpes dans un rayon de 4 000 kilomètres. Le projet LuMiMed, partenaire de Systematica, offre des solutions pour l’optimisation des opérations le long du corridor Rhin-Alpes reliant Gênes au nord de l’Europe.
L’implantation d’un solide projet ferroviaire entre Gênes, Milan et Lugano permettrait la mise en circulation de TGV qui relieraient Zurich à Gênes en moins de trois heures, tout en offrant une liaison à haute capacité pour l’acheminement des marchandises. Une étude évalue les bénéfices induits à presque deux milliards de dollars par an. Les profits directs et indirects générés par cette nouvelle liaison dont on attend un rapide retour sur investissement devraient être considérables, sans compter tous les avantages sociaux et écologiques annexes.
Cependant, la liaison ferroviaire à elle-seule n’est pas suffisante pour atteindre les résultats escomptés. La création d’une bonne desserte entre la gare ferroviaire et le reste de la ville via une politique centrée sur la circulation qui placerait le port au cœur d’un réseau de transport efficace, propre et durable, est une condition sine qua non à la réalisation de bénéfices réels. Dans le même temps, la réorganisation du port, à commencer par la modernisation des quais pour atteindre la capacité de charger rapidement et efficacement entre 500 et 750 trains, est incontournable si l’on veut gagner du temps et réduire les dépenses tout en limitant les impacts négatifs sur la ville (davantage de trains modernes, moins de camions et plus de flexibilité).
Cette innovation ferroviaire offre une chance en or de coordonner les différents projets d’aménagement de la ville, en impliquant tous les acteurs et toutes les administrations dans un programme de développement durable du territoire à moyen et long termes. Dès sa mise en œuvre, le projet promet d’ouvrir des perspectives industrielles et créer des emplois pour plus de mobilité et d’accessibilité à l’échelle de la ville, tout en réduisant la pollution atmosphérique et sonore.
Investissements et plans de mobilité à l’échelle locale
Plusieurs projets et investissements réalisés à l’échelle locale vont dans le sens des objectifs du projet LuMiMed et d’autres programmes ferroviaires européens. L’Autorité du Système Portuaire de la Mer de Ligurie Occidentale (AdSP) s’est également engagée dans un grand projet intermodal visant à proposer le dernier kilomètre par voie ferrée, ce qui devrait permettre d’accroitre de manière significative le transfert modal et la rotation des trains. Une croissance de 160% par rapport aux chiffres actuels est attendue sur les lignes de Gênes et de Savone-Vado. Les projets cofinancés par l’autorité portuaire et les institutions européennes sont centrés sur la performance environnementale, l’intermodalité et la numérisation de la logistique portuaire et des réseaux. Par exemple, le projet E-BRIDGE, cofinancé par l’Union européenne, vise la numérisation complète des échanges de données dans le port de Gênes.
À mentionner également, le plan de relance arrêté par Gênes suite à l’effondrement du Pont Morandi qui prévoit un investissement d’environ deux milliards d’euros. Dans le cadre de ce plan, Gênes a entrepris un vaste programme de restructuration axé sur l’amélioration de l’accessibilité maritime, aérienne, ferroviaire et routière, en complément du réaménagement de zones industrielles et secteurs du waterfront. Selon un rapport récemment publié sur l’avancement des travaux, tous les piliers du programme sont soit achevés, soit en cours de réalisation.
Les projets à court, moyen et long termes actuellement menés à bien par l’Autorité du Système Portuaire de la Mer Adriatique Septentrionale (AdSPMAS) à Venise sont centrés sur les mêmes sujets (par exemple l’intermodalité et la transition vers les énergies renouvelables) ainsi que sur des aspects spécifiques à chaque situation. Les points particuliers spécifiques comprennent l’entretien de l’accessibilité via des travaux d’excavation permanents des chenaux portuaires (tel le projet de 20 millions d’euros actuellement en cours dans les principaux chenaux de navigation), la protection de la ville contre les inondations (à travers le projet MoSE actuellement en cours) et les travaux de rénovation des ports vétustes. Parmi les objectifs à long terme figurent l’exploitation d’un système de transport de marchandises et de passagers offshore. Le SUMP (plan de mobilité urbaine durable) de Venise, auquel participe Systematica, définit 17 macro-objectifs pour la ville, axés sur l’efficacité, la sécurité et la durabilité du point de vue écologique et socio-économique. Le plan, qui entend lutter contre l’urbanisation intense de certains secteurs comme celui de Mestre, envisage de vastes projets d’infrastructure tels que l’agrandissement et la connexion au réseau ferroviaire de l’aéroport international, le développement du port de Marghera et la relocalisation du terminal de croisière.
Le projet de relocalisation du terminal croisière de Venise depuis le centre-ville vers la zone industrielle I de Porto Marghera est en cours de discussion. S’il est mis en œuvre, le projet impliquera d’importants travaux d’infrastructure destinés à rediriger les gros navires vers l’entrée de Malamocco au lieu de celle du Lido. Suite à la catastrophe du Costa Concordia en 2012 lorsque le paquebot s’est échoué sur l’île du Giglio au large de la Toscane avant de chavirer, l’entrée des navires de plus de 96 000 tonnes par le bassin de Saint-Marc a été interdite par arrêté interministériel. Plus récemment, l’accident d’un paquebot ayant percuté les quais de Venise (juin 2019) a ravivé la nécessité de lancer le projet, même si son exécution logistique est complexe et que les employés du secteur de la croisière risquent d’en subir les conséquences.
Les initiatives de régénération urbaine entreprises par les deux villes soutiennent l’activité portuaire et œuvrent en faveur de relations équilibrées entre la ville et le port. Le plan directeur du projet Blueprint de Gênes, soutenu par Systematica, est un projet de waterfront conçu par Renzo Piano qui prévoit notamment la création d’une promenade entre le port historique et le site de la foire-expo dans la continuité de l’ancien secteur portuaire. Il prévoit de faire disparaître le ciment pour créer de nouveaux usages urbains qui s’accordent avec les zones portuaires existantes. Dans la lignée des objectifs du plan directeur, Systematica a proposé deux scénarios pour la mise en œuvre du projet : le premier s’articule autour de la construction d’un tunnel sous-marin et le deuxième envisage la construction d’une desserte routière terrestre qui permettrait de décongestionner et à terme de remplacer le viaduc côtier.
Un autre important projet de régénération du waterfront de Venise est celui prévu par le plan directeur du VEGA (le parc scientifique et technologique de Venise) situé dans l’ancien site industriel du port de Marghera. Le projet a été conçu en 1993 dans l’objectif de recouvrir les friches de la zone industrielle I et faire place à l’initiative entrepreneuriale, à la recherche et à l’innovation au bénéfice de toute la zone métropolitaine. Il s’agit d’une entreprise complexe et de longue haleine en raison de l’ampleur du projet et du nombre de parties prenantes impliquées dans le réaménagement d’un des plus importants anciens sites industriels d’Europe.
Réflexions finales
La comparaison entre ces deux grandes villes portuaires situées le long des côtes est et ouest de l’Italie met en avant des complexités très différentes, en dépit de la place de premier plan qu’elles occupent sur la scène mondiale, de la richesse de leurs liens maritimes historiques et de la prééminence de leur position à l’échelle continentale. L’on en déduit que le port constitue un atout majeur très complexe pour chacune des villes, et la question de savoir comment aborder la nécessité de faire correspondre les objectifs du port avec ceux de la ville dans une optique d’intégration, ne doit pas être négligée.
À Gênes, peut-être plus que dans n’importe quelle autre ville portuaire, les projets d’aménagement doivent faire l’objet d’une étroite collaboration entre la Ville et le Port. Le foncier se faisant rare, l’aménagement des zones portuaires nécessite une prise en compte des effets induits sur la ville, et inversement. De la même manière, à Venise, le statut de site du patrimoine mondial et les risques d’inondation, au sens propre comme au figuré, auxquels la ville est exposée viennent contrarier les besoins opérationnels des ports. Par conséquent, l’adoption par les différentes autorités d’une approche d’aménagement globale et concertée, assortie d’une vision stratégique à long terme, au-delà du traditionnel horizon à 20 ans, paraît d’autant plus raisonnable.
En cette période de pandémie, le besoin de se centrer sur des structures d’aménagement résilientes et multidisciplinaires n’a jamais été aussi pressant. Alors que les ports ont ces derniers mois enregistré une baisse comprise entre 10 et 20% de leur trafic par rapport à la même période l’année dernière, le trafic de passagers a plongé de plus de 60%, les croisières à elles-seules affichant une baisse de près de 90%. La situation provoquée par la pandémie rend d’autant plus nécessaire la diversification de l’économie des villes portuaires.
La situation d’urgence met également en exergue l’importance de l’échange de données informatisées pour les activités portuaires. Le développement de la numérisation permettrait de réaliser un suivi permanent des opérations et de réagir en fonction de la demande, pendant l’état d’urgence et au-delà. La numérisation des opérations promet une plus grande efficacité à petite et grande échelles grâce au développement de solutions intelligentes, et allégerait le fardeau foncier, que ce soit à Gênes, bordée de montagnes, ou à Venise, cernée par les eaux. L’expérience acquise par Systematica, qui a conçu l’infrastructure du port génois de Voltri, l’un de plus gros port à conteneurs d’Europe, atteste du pouvoir de l’optimisation des données. Des macro-simulations ont mis en évidence les zones congestionnées, montrant que la gestion efficace des opérations était indispensable au bon fonctionnement des ports.
Les effets cumulés d’une capacité intermodale accrue, du développement des couloirs logistiques essentiels et de l’optimisation du transfert de données permettraient de créer des conditions favorables aux synergies qui seraient susceptibles de placer les grandes villes portuaires méditerranéennes au même niveau que leurs concurrents du Nord. L’Italie redeviendrait ainsi un point d’ancrage central le long des corridors stratégiques de la planète bleue.