Un entretien avec M. Alberto Dieter Graeff, Délégué à la Présidence de la Factoría de Cohesión
La Factoría de Cohesión est une jeune organisation, créée en 2015 à Santa Cruz de Tenerife, aux îles Canaries, Espagne. Sa principale mission est de renforcer l’intégration Ville Port dans les domaines social, économique, environnemental et territorial. Principalement soutenue par la Ville et le Port de Santa Cruz de Tenerife, elle travaille en coopération avec des organismes publics régionaux, des universités, des associations culturelles et des entreprises. Ces dernières années, elle s’est engagée dans un programme d’activités intensif alliant enjeux urbains et portuaires. Ces activités sont en accord avec plusieurs points de l’Agenda AIVP 2030 pour une relation Ville Port plus durable. Cet entretien nous en apprend davantage sur l’origine de cette organisation, les motivations de ses membres et les différentes initiatives entreprises.
AIVP – Pour commencer, nous souhaiterions savoir d’où vous est venue l’idée de créer la Factoría de Cohesión. Pouvez-vous nous en dire plus sur vos débuts et sur l’équipe (jeune) qui se trouve derrière cette initiative originale dans le contexte espagnol ?
Alberto Dieter Graeff – Délégué à la Présidence, Factoría de Cohesión
L’idée de créer La Factoría est née de l’aspiration des habitants de la ville de Santa Cruz à vivre davantage en contact avec la mer. Notre ville a toujours été liée à la mer, elle est maritime par essence. Au fil du temps, le port s’est étendu le long du littoral, là où il avait les meilleurs accès. La Factoría répond simplement au désir exprimé par les habitants et les membres de la communauté portuaire de traduire cette volonté d’intégration Ville Port par des actions concrètes.
AIVP – Vos deux principaux soutiens sont la Ville et le Port. De quelle façon les relations que vous entretenez avec ces deux structures publiques s’articulent-elles, sachant que vos activités sont, à maints égards, en rapport les unes avec les autres, voire se superposent (par exemple, les manifestations culturelles liées au port ou les activités pédagogiques avec les écoles) ?
Alberto Dieter Graeff – Les relations que la Factoría entretient avec la Ville et le Port de Santa Cruz ne sont rien d’autre que le résultat d’un projet partagé par les deux structures, en accord avec les projets que nous développons.
Il est clair que notre rôle est de fédérer : fédérer pour instaurer une relation fructueuse entre la Ville et le Port de Santa Cruz. Par exemple, en 2018, nous avons participé à l’organisation des Fiestas del Carmen, de longue tradition à Santa Cruz, qui se sont toujours déroulées dans le cadre de deux programmes : celui de la Ville et celui du Port. Notre mission consiste à faire en sorte que soit élaboré un programme commun, et cela a été le cas en 2018, dans l’objectif de contribuer à resserrer encore davantage les liens entre la ville et le port.
AIVP – L’économie bleue est l’un des principaux vecteurs des activités de la Factoría de Cohesión. Quelles initiatives avez-vous entreprises en faveur de l’économie bleue à Tenerife et de quelle façon êtes-vous entrés en relation avec les entreprises du secteur ?
Alberto Dieter Graeff – Nous ne doutons pas du potentiel de l’économie bleue pour le développement durable, sur la planète et dans les îles Canaries. Notre territoire offre des conditions exceptionnelles pour nous développer en ce sens. À partir de la stratégie déployée par le gouvernement des Canaries, et à travers différents contacts et accords établis avec des entreprises locales et étrangères, nous contribuons à développer ce concept innovant complètement nouveau dans les îles Canaries. La prochaine manifestation aura lieu du 5 au 7 avril prochain. Intitulé « BlueUP », cet événement prévoit des séances de discussion passionnantes avec des experts ainsi qu’un Campus Entreprise au cours duquel des facilitateurs aideront les jeunes à mettre en œuvre les idées les plus novatrices en lien avec la mer et les océans.
AIVP – L’un des objectifs de l’Agenda AIVP 2030 est de développer la culture portuaire et de renforcer l’identité maritime des villes portuaires (objectif 6). Nous avons vu que la Factoría de Cohesión organisait de nombreuses activités culturelles comme les festivals « Navegarte » et « SantaCruceros ». De quelle façon travaillez-vous à la diffusion de la culture portuaire ? Quel bilan faites-vous après plusieurs années de fonctionnement et quelles nouvelles initiatives envisagez-vous de mettre en œuvre à l’avenir ?
Alberto Dieter Graeff – Nous estimons que la diffusion de la culture portuaire est primordiale pour une ville comme Santa Cruz étroitement liée à son port et à la mer. C’est pour nous une belle mission qui parvient progressivement à faire accepter le port et les activités portuaires aux habitants de Santa Cruz. Selon nous, « l’art et la culture éveillent les consciences et sont les moteurs du changement ».
Après plusieurs années, le bilan est plus que positif. Le public, les entreprises et les autorités ont réservé un très bon accueil aux manifestations que nous avons organisées, et nous nous développons beaucoup dans ce sens. À terme, nous avons l’intention de continuer à travailler sur le même genre de projets et d’en lancer de nouveaux dans le but de nous rapprocher des citoyens.
AIVP – Une autre de vos initiatives a attiré notre attention : « Un Puerto Violeta » qui s’attache à accroître la présence des femmes dans le secteur portuaire. Nous aimerions savoir comment est né ce projet et de quelle façon vous collaborez avec les différents acteurs Ville Port.
Alberto Dieter Graeff – « Un puerto Violeta » est une initiative relativement nouvelle pour nous et nous en attendons énormément. À l’époque actuelle, nous estimons qu’il est devenu indispensable de se battre pour une véritable égalité. Bien que des progrès aient été réalisés du point de vue social, la communauté portuaire reste, en grande partie, composée par des hommes et c’est pourquoi nous avons jugé devoir faire quelque chose pour ouvrir le port aux femmes. Nous recevons un appui majeur du Bureau pour l’Egalité des chances de la Ville de Tenerife qui donne de la visibilité à notre projet et facilite sa mise en œuvre. L’administration publique nous apporte un grand soutien et les entreprises portuaires privées sont de plus en plus sensibilisées à la question, même si nous devons reconnaître qu’il nous reste un long chemin à parcourir.
AIVP – L’AIVP attache une grande importance à la question de l’éducation et du développement du capital humain (objectif 5 de l’Agenda AIVP 2030) ainsi qu’à la diffusion des connaissances sur les ports. Au cours des dernières années, la Factoría a permis de développer des liens avec les écoles (notamment à travers l’initiative « Mar de Oportunidades »). Comment s’est déroulée cette prise de contact ? Quelles ont été les principales difficultés que vous avez rencontrées pour communiquer avec les enfants et les adolescents et quelles sont, selon vous, les clés pour améliorer la communication avec les jeunes ?
Alberto Dieter Graeff – Nous partons du principe que le travail que nous réalisons aujourd’hui est inutile s’il ne s’inscrit pas dans une perspective de continuité et d’avenir, et l’avenir, de toute évidence, est entre les mains des plus petits. Quand on voit que les enfants, tous âges confondus, commencent à comprendre qu’il est important que le port et la ville s’unifient, et que l’on envisage toutes les possibilités de réalisation personnelle que les ports peuvent leur offrir, on en déduit que notre travail n’est pas vain et qu’à terme, le respect et la protection des océans seront une valeur essentielle pour eux. Nous croyons que la clé pour toucher les jeunes est d’utiliser des termes qu’ils comprennent afin de leur transmettre l’essentiel. De toute évidence, et malgré les inconvénients que cela peut présenter, le fait que l’équipe de la Factoría soit jeune aide à surmonter les barrières de communication.
« Mar de Oportunidades » © Factoría de Cohesión
Dans ce même esprit, nous souhaitons souligner que nous développons ce programme en collaboration avec le délégué de l’OMI, et que nous mettons résolument l’accent sur l’implication des membres de la communauté portuaire, comme par exemple les dockers, dans nos actions.
AIVP – La question de la transparence et de la participation citoyenne gagne en importance dans la gouvernance Ville Port depuis plusieurs années. De quelle façon avez-vous relevé ce défi ? De quelle manière pensez-vous que les structures publiques comme les Villes et les Ports peuvent intégrer la participation citoyenne dans la planification Ville Port ?
Alberto Dieter Graeff – Nous estimons qu’au-delà des mécanismes mis en œuvre par la Ville et le Port eux-mêmes, les deux structures ont trouvé en nous un partenaire.
Pour la Factoría de Cohesión, la vision et la participation active du public sont fondamentales, et en fin de compte, notre objectif est, en un sens, de parvenir à ce que les citoyens tirent profit de leur port et inversement. De nombreuses manifestations et activités réalisées ont ainsi été préalablement soumises à l’approbation des citoyens.
La Factoría de Cohesión ne conçoit pas le développement stratégique des villes-ports à moyen et long termes sans l’implication active des citoyens et de la communauté portuaire. Il est clair que le port, hormis le fait qu’il constitue le moteur économique le plus puissant de la ville portuaire, influence considérablement l’environnement et les comportements de la ville. C’est pourquoi il est indispensable de mettre en œuvre des mesures visant à encourager la participation des citoyens au développement.
AIVP – Enfin, pour finir, quels sont les projets et ambitions de la Factoría ?
Alberto Dieter Graeff – Après trois années d’activité principalement orientée sur Santa Cruz, nous pensons qu’il est temps d’élargir notre action à d’autres ports. Pour ce faire, nous sommes en train de mettre au point une politique qui nous permettra d’aborder d’autres ports de la région, car même s’il est vrai que beaucoup de circonstances relatives au rapprochement Ville Port sont propres à chaque place portuaire, il n’en est pas moins vrai que les villes portuaires ont beaucoup en commun : ambitions de rapprochement, promotion de la culture portuaire, intégration des femmes dans le monde portuaire, …
Nous sommes prêts à poursuivre sur notre lancée et nous sommes impatients de voir s’étoffer l’équipage du navire Factoría de Cohesión, de mettre le cap sur d’autres ports et d’expliquer notre façon de concevoir la ville portuaire.
Factoría de Cohesión : FACOCIP.com
AIVP, Février 2019