Le port de Sète, créé en 1666 sous le règne de Louis XIV, est maintenant le deuxième port de la façade méditerranéenne après celui de Marseille-Fos. C’est un port polyvalent, maillon indispensable de la chaine logistique en région Occitanie et une porte d’entrée sur l’Europe. Il est la propriété de la Région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée, qui a créé en 2008 un Établissement Public Régional dénommé Port Sud de France pour la gestion des 3 concessions portuaires que sont ; le port de commerce, de pêche et de plaisance. Le port de Sète – Frontignan joue un rôle clé en tant qu’acteur économique, en soutenant la pêche dont l’activité chalutière est en difficulté, en favorisant le commerce international, en abritant des activités industrielles, en soutenant le tourisme et en générant de nombreux emplois directs et indirects.
La ville de Sète est établie sur un lido situé entre l’étang de Thau, un écosystème lagunaire, et le golfe du Lion. Elle est adossée au Mont-Saint-Clair, un escarpement qui constitue un patrimoine naturel remarquable. Les contraintes géographiques sont aussi la force de Sète, qui fonde son identité sur son histoire maritime, littorale et portuaire. Aujourd’hui, elle est la commune la plus peuplée d’une agglomération réunissant également Frontignan, Mèze ou Marseillan.
La croissance dynamique du port de Sète depuis au moins 2019 a été très remarquée. Les différents trafics, notamment ceux de ferries et de navires de croisière, représentent à la fois une opportunité économique et un défi à relever pour l’équilibre du territoire. Le port de plaisance de Sète est aussi très actif avec 800 postes à quai et un millier d’anneaux supplémentaire le long des canaux.
Les acteurs sétois ont réussi à instaurer une nouvelle dynamique de coopération. Différents projets permettant de verdir le port ou de réaménager les interfaces ville-port ont émergé. C’est pourquoi nous avons souhaité interviewer ensemble M. François Commeinhes, maire de la Ville de Sète, et M. Philippe Malagola, Président du Port de Sète.
Le Port de Sète Sud de France a adhéré à l’AIVP en 2023 et la Ville de Sète en 2024.
Pourriez vous nous indiquer comment vous parvenez à concilier harmonieusement développement portuaire et cadre de vie ?
Ville de Sète
Sète s’est construite autour de son port. Qu’il s’agisse de pêche, de commerce, de croisière ou de plaisance, la ville conserve un lien étroit avec l’activité portuaire. « Lorsque je remonte le long de la chaîne de ma vie, je la trouve attachée par ces anneaux de fer qui sont scellés dans la pierre de nos quais. L’autre bout est dans mon cœur », écrivait Paul Valéry. Cette phrase aujourd’hui gravée sur une sculpture monumentale jouxtant le port de plaisance symbolise l’attachement de la ville à son port. En 2016, le 350e anniversaire de sa création a été l’occasion d’une grande fête patrimoniale, culturelle et populaire qui a réuni un public très nombreux avec en point d’orgue l’événement Escale à Sète, plus grande fête bisannuelle des traditions maritimes de Méditerranée co-organisée par l’association éponyme, la ville et le port.
Le développement portuaire contribue au dynamisme de la vie économique et à la création d’emploi. Les bateaux de pêche amarrés au cœur de la cité sont le creuset de son identité. Les retombées des croisiéristes profitent aux commerces et restaurants du cœur de ville. La dépense moyenne est estimée à 50 euros par personne. Des circuits de visite pédestre organisés par l’office de tourisme de Sète agglopôle Méditerranée invitent les croisiéristes à rejoindre le centre-ville.
Le port à Sète est aussi une question de paysages, de contemplation du travail des hommes. Historiquement, l’activité portuaire a toujours été imbriquée dans la ville, d’abord avec le trafic viticole et la tonnellerie, puis avec le port de pêche et enfin au début du XXe siècle avec la diversification du port de commerce. Le développement des activités industrielles rend alors la cohabitation plus complexe jusqu’à l’arrêt brutal de la raffinerie de Frontignan. Dans le creux de la vague au début des années 2000, l’activité portuaire est relancée grâce à d’importants investissements de la région Occitanie qui concentrent un développement vers l’Est de la ville, moins visible depuis le centre-ville. La destruction des anciens silos à grain en 2013 qui culminait à 52 m de hauteur ouvre également de nouvelles perspectives paysagères.
Port de Sète
Naturellement la ville et le port, le port et la ville sont imbriqués l’un à l’autre. La criée du port de pêche mais aussi l’ensemble des structures du port de plaisance sont historiquement intégrées au centre de la ville. Dernièrement, c’est le pôle Grande Plaisance Yachting intégré au port de commerce sur le bassin Orsetti, qui a été complétement réhabilité en 2019 afin de permettre une meilleure intégration ville-port. Cette réhabilitation a permis de délocaliser les arrivées de ferries, d’électrifier les quais et de végétaliser le bassin d’accueil de la grande plaisance.
Le développement du Port de Sète-Frontignan atteint cette année sa 9ème année consécutive de record d’activité (hors année covid), soit un développement croissant depuis 2014. Grâce aux investissements de la Région Occitanie, propriétaire du port, le port de Sète a pu moderniser ses infrastructures, diversifier ses activités et devenir un port attractif, dynamique et soucieux de son environnement. Les investissements reflètent un remarquable partenariat entre public (Région Occitanie et Port Sud de France) et privé (industriels présents dans l’enceinte portuaire). En 2019, nous avons atteint un pic d’activité sur la croisière avec le transit de 115 000 croisiéristes qui ont fait escale à Sète (en comparaison Marseille en comptabilisait 1 866 0000 la même année).
Après la pandémie de 2020, le Port et le Club des Croisières de Sète, organe qui assure la promotion de la destination, ont revu leur stratégie en optant pour le développement d’une croisière raisonnée (navires de moins de 240 m) et d’un objectif de 70 000 passagers dans le cadre du projet stratégique 2021-2025 contre 150 000 initialement prévu. En 2023, 50 escales et 27 000 passagers ont été accueillis au port de Sète. Une nouvelle offre touristique a aussi été proposée aux croisiéristes grâce à un catalogue d’excursions ‘vertes’, qui visent à offrir une expérience unique et écologique aux touristes désireux de découvrir la beauté naturelle et la richesse culturelle de Sète et du Bassin de Thau, tout en respectant l’environnement (balade en vélo électrique, kayak des mers ou sur l’étang, navire électrique … et des destinations touristiques plus proches de Sète réduisant ainsi les déplacements).
Enfin, le Port de Sète a décidé d’anticiper la règlementation de décarbonation de ses activités, en proposant dès 2020 une politique tarifaire incitative basé sur l’Environmental Ship Index (ESI) permettant de récompenser les navires les plus vertueux. Fin 2023, le Port de Sète fait un grand pas sur ses actions de décarbonation de ses activités, en livrant sur trois quais quatre points d’électrification. Ces branchements électriques permettent aux lignes régulières de ferries et de navires rouliers de réduire les émissions de CO2 et la pollution sonore lorsqu’ils sont à quai. Les raccordements croisière nécessitant plus de puissance, sont prévus à l’horizon 2026.
Côté plaisance, le port a la particularité de s’étendre sur l’ensemble du centre-ville de Sète. Ses installations portuaires lui permettent d’accueillir des navires monocoques et multicoques de 6 à 50 mètres. Au total ce sont plus de 1 800 postes qui sont gérés par l’établissement public Régional Port de Sète – Sud de France.
Enfin les partenariats privilégiés avec l’association 7ième continent et du CPIE, permettent des actions régulières de sensibilisation auprès des usagers et du grand public, notamment lors de manifestations comme les journées Port Ouvert qui se déroulent cette année pendant les journées du patrimoine (les 20,21 et 22 septembre 2024).
(Ville de Sète) Votre plan de développement durable indique une volonté de réhabiliter d’anciens terrains industriels ou portuaires à l’entrée Est de la ville, mais aussi de constituer un pôle multimodal autour de la gare centrale. Tout cela se situe à proximité immédiate de la zone portuaire. Des questions de mobilité et d’accessibilité se posent donc. Que pouvez-vous nous dire sur vos initiatives pour valoriser l’interface ville-port ?
Le territoire de Sète agglopôle Méditerranée a été marqué par une forte période d’urbanisation dans les années 80 à 2000 qui a engendré une très forte consommation d’espace. Depuis l’adoption d’un premier Schéma de cohérence territorial à l’unanimité des 14 communes en 2014, le bassin de Thau a divisé par 4 sa consommation de nouveaux espaces en extension. Aujourd’hui, l’objectif est d’atteindre le zéro artificialisation net à l’horizon 2050 malgré des besoins en foncier importants. Les friches industrialo-portuaires sont une véritable opportunité pour réussir ce défi. Labellisé « Territoire pilote de sobriété foncière », Sète agglopôle Méditerranée porte une stratégie qui consiste à densifier l’arc de Thau pour éviter le mitage urbain tout en prenant en charge une partie des besoins en foncier économique et d’habitat indispensables au développement du territoire et à la satisfaction des besoins en logement de la population locale.
Un des premiers projets inscrits dans cette dynamique est l’aménagement d’un nouveau quartier à l’entrée Est de Sète. Créé grâce à la reconquête d’anciennes friches industrialo portuaires, ce nouveau quartier s’étendra sur 18 hectares et sera équipé en thalassothermie. Attractif, dynamique et innovant, il offre un cadre de vie moderne et convivial aux actifs et aux jeunes ménages. Près de 39 000 m2 sont dédiés aux activités à vocation tertiaire et commerciale en mixité d’un quartier résidentiel accueillant au total 1800 logements. Cette refonte de l’entrée Est de la ville se complète d’une reconfiguration de ses accès en lien avec le cœur d’agglomération et notamment le pôle d’échange multimodal situé à moins d’un ¼ d’heure à pied. Des liaisons douces permettront de rejoindre cet équipement qui accueillera une gare routière, une halte fluvio-maritime, des parkings vélos et une liaison TER à fréquence renforcée vers Montpellier ou Narbonne en espérant le maintien de la desserte directe TGV.
Au-delà de ce quartier, la reconquête des friches industrielles vise aussi à permettre le développement de l’économie bleue. Avec l’ambition de devenir Le territoire de référence de la croissance bleue en Occitanie, Sète et le bassin de Thau ont fédéré les acteurs phares autour d’un pacte de la croissance bleue. Le port fait partie intégrante de ce pacte et de cette nouvelle stratégie de développement économique qui intègre 4 domaines d’action stratégique :
- les projets opérationnels en lien avec le port, infrastructures et transport maritime,
- les projets en lien avec les activités de productions halieutiques du territoire,
- les projets en lien avec les activités de tourisme et aménagement littoral,
- le nautisme et la plaisance.
Une vingtaine de partenaires ont déjà signé ce pacte parmi lesquels Ifremer, la Sathoan, le pôle Mer, le cépralmar, la Région Occitanie, l’Etat, l’université de Montpellier…
(Port de Sète) D’ici 2025, vous souhaitez engager de nombreux investissements pour devenir un « smart port », avec deux piliers forts : le développement durable et l’innovation. Nous connaissons les obstacles auxquels les ports font face lorsqu’ils mettent en œuvre des projets comme l’électrification des quais. Le dialogue avec les opérateurs est un processus complexe, à cause de la multiplicité des acteurs de l’écosystème. Pourriez-vous citer quelques-uns des projets que vous avez mis en place et nous dire comment vous comptez atteindre votre objectif de verdissement ?
Le port a décidé d’intégrer l’axe de développement durable de ses activités dès l’élaboration du Projet stratégique 2016-2020. Nous avons constitué l’axe Smart&Green Port autour de 4 piliers afin d’intégrer des ambitions technologies et environnementales à notre développement. Tout d’abord la promotion des modes de transports à faibles émissions, c’est un des atouts du port de Sète, nous sommes un port multimodal possédant 42 km de voies ferrées intra-portuaire et nous avons inauguré notre nouvelle plateforme ferroviaire fin 2021, après avoir été sélectionné par l’État, dans le cadre du Plan de Relance gouvernemental axé sur le développement des autoroutes ferroviaires, annoncé en juillet 2020 par le Premier ministre Jean Castex. Après 2 ans et demi d’exploitation nous avons fait transiter 15 000 unités/an sur le ferroviaire pour un objectif de 40 000. Le port de Sète accueille aussi l’embouche du Canal du Rhône à Sète permettant de faire également transiter des marchandises par le mode fluvial.
Le second pilier vise à développer les énergies renouvelables, et à diversifier nos sources d’énergies. Le port de Sète a été précurseur dans l’aménagement de panneaux photovoltaïques sur les toitures des hangars portuaires. A fin 2020, le port possédait plus de 4 ha de couverture solaire qui produisent 2.5 fois la consommation annuelle de l’exploitation de Port Sud de France sur l’ensemble de ses 3 ports. Une seconde phase photovoltaïque est actuellement à l’étude avec l’introduction de 10 ha d’ombrières supplémentaires en autoconsommation.
Le troisième pilier sur lequel s’appuie notre axe Smart&Green Port est la mise en œuvre d’une stratégie bas carbone, avec différentes actions menées comme le renouvellement du parc automobile du port par une flotte électrique. La mise en place dès 2020, de la politique tarifaire incitative basée sur l’ESI, le renouvellement de nos outils portuaires par des outils de dernière génération et bien sûr le projet de branchement électrique à quai, planifié en plusieurs étapes qui permet des effets immédiats et à court terme pour notre environnement direct. Toutes ses actions ne peuvent être mis en place sans une veille constante des évolutions et des solutions innovantes qui peuvent immergées, nous sommes actifs dans cette veille et dédions une partie de nos équipes à l’innovation.
Le dernier pilier porte sur le management environnemental, établir ensemble des procédures et pratiques pour réduire nos impacts et de manière durable, et sur un dialogue social de qualité afin que tous les agents du port se sentent impliqués dans la démarche.
L’étang de Thau renferme une riche biodiversité lagunaire. Il est connecté à divers cours d’eau et à la Camargue non loin. Nous savons que vous portez une attention particulière à la préservation de cette lagune qui fait l’objet d’un classement Natura 2000. Quels pourraient être les axes de coopération entre l’autorité portuaire et la municipalité, ou la communauté d’agglomération, afin de préserver l’environnement ?
Port de Sète
Le développement progressif de la ville de Sète et de son port depuis 1666 ont entraîné une modification du linéaire côtier et des échanges entre la mer et la lagune de Thau avec une hausse des pressions sur le milieu aquatique. Ce même développement a permis la création de nouveaux habitats pour différentes espèces et stades de vie avec plus de 34 km de linéaire côtier aménagé, nouveaux substrats durs ou encore la création de nouveaux plans d’eau abrités (700 ha).
C’est pourquoi, en 2019, le port de Sète, engagé pour la protection de l’environnement, a lancé une large étude de sa biodiversité marine avec l’aide de l’Agence de L’eau. Cette étude a permis de mettre en évidence, les différentes fonctions écologiques (nurserie, habitat, connectivité avec la Lagune de Thau, reproduction…) historiques ou nouvelles en détectant les zones à enjeux et les zones à pression par secteur. Cette étude a mis en évidence l’importance de poursuivre le plan d’action développé depuis 2013 pour réduire les pressions sur le milieu aquatique et de mener des actions en faveur de la protection de la biodiversité.
En 1er lieu, la démarche Port Propre et Port actif en biodiversité suivie par Port de Sète – Sud de France a structuré une démarche de progrès basée sur des actions concrètes, tout en fournissant un référentiel internationalement reconnu. Ainsi, à titre d’exemple, les agents portuaires sont formés dès leur prise de poste à l’importance de ces enjeux et entraînés régulièrement à la lutte anti-pollution.
Conscient du lien direct avec la lagune de Thau, les agents portuaires réalisent une surveillance du plan d’eau quotidienne. Tout au long de l’année, Port Sud de France œuvre à la préservation du milieu marin, au travers d’un prestataire de nettoyage du plan d’eau dont la mission est de collecter les déchets liquides des navires et macrodéchets flottants.
En ligne avec la stratégie Smart&Green port, le port s’appuie également sur des innovations pour améliorer encore ses performances environnementales. En 2024, le port a ainsi testé les robots aspirants ‘Dpol’ et les boudins absorbants à base de plumes d’oie recyclées issues de volants de badminton usagés. En collaboration avec ses partenaires territoriaux, le port réfléchit maintenant à un système de barrage à bulle pour stopper les pollutions sortant ou entrant de la lagune.
Cette démarche s’appuie aussi sur le concours des 2000 plaisanciers du port de Sète qui sont accueillis à leur arrivée avec des kits antipollution et sensibilisés chaque année avec l’aide du CPIE du Bassin de Thau qui les incite à adopter et à développer les écogestes au quotidien.
Enfin, notre partenariat avec l’association Expédition 7eme continent nous permet de communiquer au plus grand nombre de façon ludique et pédagogique sur les enjeux liés à la pollution plastique auxquelles sont confrontés la lagune et la mer Méditerranée.
Ville de Sète
Bercée au Sud par la Méditerranée et au Nord par la lagune de Thau, classée site Natura 2000, Sète est une cité maritime de caractère qui a toujours accordé une importance particulière aux activités halieutiques. La pêche et les cultures marines sont ainsi la vocation prioritaire de la lagune de Thau, ce qui implique une veille permanente sur les impacts anthropiques alentours. En découle des politiques d’aménagement et de gestion de l’eau spécifiques au bassin de Thau. Ces prescriptions sont retranscrites dans le volet littoral du Schéma de cohérence territorial ainsi que dans le Schéma d’aménagement et de gestion des eaux qui impose notamment des flux maximum admissibles par sous-bassin versant, fruit d’un travail scientifique novateur associant les équipes d’Ifremer et l’Etablissement Public Territorial de Bassin.
Afin d’associer l’ensemble des acteurs à cette politique, de faciliter le dialogue et l’appropriation des enjeux, des contrats de territoire ont été instaurés. Aujourd’hui le Contrat de gestion intégrée et de transition écologique du territoire de Thau 2020-2025 est la 5e génération de contrat sur Thau. Il comprend 59 fiches actions pour un montant prévisionnel de 580 millions d’euros autour de 4 grandes orientations :
- Un aménagement résilient et durable
- Une économie globale
- Une gestion environnementale et équilibrée
- La participation citoyenne et l’innovation
La Région Occitanie et le port de Sète Sud de France sont pleinement impliqués dans l’élaboration et l’animation de ces contrats, véritable feuille de route pour une action publique concertée et coordonnée en faveur de la qualité environnementale de la lagune de Thau.