La notion de corridor vert a été définie dans la Déclaration de Clydebank adoptée lors de la COP26 de Glasgow en 2021. L’intention est d’encourager la mise en place de routes maritimes à zéro émission entre deux ports et de contribuer à décarboner le secteur maritime. Les ports, en collaborant entre eux et avec d’autres acteurs des secteurs maritime et énergétique, jouent un rôle de premier plan dans cette initiative. Le Port d’Anvers-Bruges est un acteur clé de la transition énergétique européenne et du corridor vert avec le port de Montréal.
Entretien avec Jan Cuyt, Responsable des comptes stratégiques pour les affaires maritimes du Port d’Anvers-Bruges.
Quelle a été votre motivation pour rejoindre l’initiative du corridor vert avec le Port de Montréal (Canada) ?
Le Port d’Anvers-Bruges et le Port de Montréal ont déjà une excellente relation de longue date. Lancer ensemble une initiative de corridor vert était une étape logique, car les deux ports ont de grandes ambitions dans la transition énergétique, notamment dans la décarbonation du secteur maritime. Notre objectif était d’abord de nous attaquer à la partie maritime. Ainsi, nous voulions comprendre les exigences nécessaires pour en assurer le succès, progresser sur la réglementation, la disponibilité des carburants alternatifs et la volonté des partenaires de participer. Bien que le corridor vert n’ait pas encore été concrétisé, les enseignements tirés ont été très utiles pour échanger avec d’autres ports (notamment à travers le groupe de travail de WPCAP) et pour commencer à travailler sur d’autres corridors vers d’autres destinations. Les contacts établis lors de la première phase ont été très utiles pour notre objectif de devenir un port multi-carburants. En conséquence, nous avons pu réaliser le premier ravitaillement simultané (SimOps) de méthanol de navire à navire dans le port ce printemps.
Outre les autorités portuaires, quels sont les acteurs clés impliqués dans le corridor vert Anvers-Montréal ?
Nous avons été en étroite collaboration avec les compagnies maritimes (conteneurs) opérant entre les deux ports, car ce sont finalement les partenaires essentiels d’un tel projet. Dans une prochaine phase, il est également crucial d’impliquer les expéditeurs et d’autres parties prenantes, y compris les producteurs et fournisseurs de carburants alternatifs. Cependant, nous avons également constaté qu’il existe un écart important de coût entre les carburants conventionnels et les nouveaux carburants. Nous avons donc également été en contact avec les instances de l’Union Européenne pour transmettre nos observations et sensibiliser davantage à ce sujet. Le concept de corridor vert s’est également avéré être utile pour partager et enrichir nos connaissances lors de présentations et de conférences.
Quelle est la pertinence de votre implication dans le corridor vert au regard de votre contexte local et cela offre-t-il des opportunités de collaboration avec votre municipalité ou les citoyens ?
Les corridors verts nécessiteront l’utilisation de carburants verts à faibles émissions. De même, l’installation de l’alimentation électrique à quai (OPS) pour ces navires réduira encore leurs émissions. Lorsqu’ils sont au port, les navires utilisent des moteurs auxiliaires pour produire de l’électricité, notamment pour leurs opérations quotidiennes. Ces moteurs sont une source d’émissions de gaz à effet de serre et peuvent générer des nuisances sonores pour les citoyens. En conséquence, la qualité de l’air s’améliorera et le niveau sonore des navires diminuera. Cela aura un impact positif sur la municipalité et les citoyens. Par exemple, à partir de 2026, les navires de croisière qui s’arrêteront à notre terminal de croisière à Zeebrugge seront connectés au réseau électrique. Le même processus d’électrification s’applique également à l’équipement portuaire, aux camions, etc. Dans ce domaine, le Port agit en tant que facilitateur mais participe également activement à la mise en place de l’infrastructure appropriée comme les bornes de recharge… Le Port d’Anvers-Bruges gère également sa propre flotte de bateaux de patrouille et de remorqueurs. Afin de réduire les émissions de cette flotte, le renouvellement et la conversion vers des carburants alternatifs sont en cours. Citons en exemple l’utilisation de moteurs plus efficaces et la mise en service du premier remorqueur au monde fonctionnant à l’hydrogène. Cette semaine, un remorqueur alimenté au méthanol rétrofité est devenu opérationnel et à la fin de l’année, le premier remorqueur entièrement électrique sera livré.
Comment les initiatives menées dans le cadre du corridor vert seront-elles liées à vos ambitions de décarboner vos connexions avec l’hinterland ?
Le corridor vert fait partie plus largement du projet MultiFuel que nous avons mis en place. Ce projet est étroitement lié à l’ambition globale du port de devenir un hub énergétique dans la transition, en lien avec les ambitions et exigences de l’Union Européenne. Cela est fondamental pour la transition du grand cluster chimique opérant dans le port et, plus loin, vers les centres industriels de notre hinterland (comme l’Allemagne, le Nord de la France, le Sud-Hollande…). La demande sera très élevée et nécessitera un volume important de nouvelles matières premières à importer d’outre-mer. Le transport vers ces centres de l’hinterland se fera par voies navigables intérieures, par rail mais également de manière substantielle par pipelines. Assurer que nous pouvons fournir les outils appropriés pour les corridors maritimes verts sera un avantage supplémentaire dans la réalisation d’une chaîne d’approvisionnement verte.