Comme plusieurs experts l’ont déjà souligné, l’interface entre le port et la ville n’est pas seulement la frontière physique entre le port et la ville, mais elle peut être considérée comme plus complexe, compte tenu des effets plus larges que les activités portuaires peuvent avoir sur l’environnement urbain et les citoyens. Dans cet article, Satu Aatra, de l’autorité portuaire d’Helsinki, explique comment le port gère les différents éléments qui forment l’interface complexe entre le port et la ville dans la capitale finlandaise.
Le Port d’Helsinki comprend des terminaux situés en centre-ville et le port de commerce de Vuosaari, à l’est de la ville. Les terminaux du centre-ville assurent à la fois le transport des passagers et des marchandises et le site de Vuosaari traite essentiellement le trafic de fret. Les terminaux du centre-ville, chargés d’histoire, constituent un solide héritage : la ville portuaire d’Helsinki a été fondée en 1550 et certains sites du centre-ville fonctionnent depuis le XIXème siècle.
La ville s’est toutefois développée et densifiée en suivant dans le même temps la tendance internationale à la délocalisation des ports en zone périurbaine. Le port a cédé de vastes territoires du centre-ville en contrepartie de la mise en service du port de commerce de Vuosaari en 2008, et les terrains portuaires situés au cœur de la ville sont de moins en moins nombreux.
La Finlande dépend des liaisons maritimes et ses infrastructures maritimes et routières sont essentielles à l’économie et à la logistique du port, aux entreprises et aux voyages transnationaux. Environ 12 millions de passagers transitent annuellement par le port d’Helsinki pour leurs déplacements d’affaire ou de loisir.
Les ports, à de nombreux égards, partagent une interface qui recouvre une dimension humaine et environnementale, incluant le bâti et le milieu naturel, avec la ville et la société en général. Le port, espace ouvert sur la ville sur lequel le voyageur porte en général ses premiers et derniers regards, peut être envisagé comme la carte de visite de l’espace urbain. Il donne une première impression et renseigne sur son fonctionnement et sur la façon dont on sera accueilli.
L’interface humaine
L’interface économique, sociale et culturelle constitue ce que l’on pourrait appeler une « interface humaine », les activités humaines et le bien-être étant au cœur de la vie. La vie urbaine est faite d’individus, d’activités et d’environnement bâti. À l’interface Ville Port, le facteur humain génère un réseau de connexions, d’entreprises et de services reliés entre eux aux niveaux local, national et international, et qui se soutiennent mutuellement. Par bien des aspects, il est une sorte d’interface invisible qui fonctionne en arrière-plan et qui peut être perçue comme faisant partie intégrante d’une ville vivante et active. Les activités économiques, en générant par exemple des recettes fiscales et en ouvrant des possibilités de nouveaux services et de création d’emplois, font aussi partie intégrante de l’interface sociale. Les flux de visiteurs qui transitent par les terminaux peuvent aussi permettre de diversifier la culture urbaine.
Le port d’Helsinki a su créer des liens internationaux, impliquant différents acteurs de la zone métropolitaine et d’au-delà. Il a en outre su intégrer une dimension humaine immatérielle en créant des liens avec les entreprises locales et les habitants, de sorte à générer de nouvelles activités ainsi qu’une acceptation et une compréhension mutuelles, pour ainsi créer un sens communautaire au sens large.
La zone métropolitaine d’Helsinki est la région finlandaise de plus forte croissance, et la plupart des produits de consommation, dont les aliments et les médicaments, sont importés via le Port d’Helsinki. Le port joue un rôle actif au sein du réseau logistique, permettant d’acheminer rapidement un très large éventail de matériaux et marchandises à destination des entreprises et des clients de la zone métropolitaine. Qui plus est, les personnes qui transitent via le port, en consommant des services locaux, garantissent des retombées positives pour la ville.
Une double Interface Ville Port
Helsinki, la Finlandaise, et sa jumelle Tallinn, l’Estonienne, composent à elles deux une vaste région économique. La fréquence et l’efficacité des liaisons par ferry entre les deux villes constituent un important facteur humain. Ces liaisons servent au transport de produits de première importance pour l’économie, aux voyages d’affaires et d’agrément, à la circulation de la main d’œuvre, aux liaisons transfrontalières et à la mobilité transnationales, tout en générant des emplois et de l’activité économique des deux côtés de la mer Baltique.
Ce jumelage joue également un rôle important dans l’établissement de liaisons de port à port entre Helsinki et Tallinn. Les deux ports se partagent un trafic portuaire substantiel, menant de multiples projets de développement en commun. L’on peut considérer que l’interaction entre les deux ports se trouve à l’interface Ville Port dans la mesure où ces activités créent du capital économique et social, et de nouvelles connections, contribuant au bien-être des habitants de la région. Cette interaction à valeur ajoutée souligne l’importance de ce qui peut être considéré comme une interface port-port.
Une interface de bon voisinage
L’établissement de rapports de bon voisinage est devenu un objectif guidant l’action du Port d’Helsinki. Cela signifie que ce dernier organise des rencontres fréquentes avec les communautés locales, les associations de riverains, les écoles et les crèches. Les réunions avec les communautés locales et les associations de riverains portent sur des sujets d’actualité comme l’impact de l’activité portuaire, les usages fonciers, le trafic et les questions environnementales. La coopération avec les écoles et les crèches est davantage centrée sur l’information et les activités portuaires. Les murs d’un bâtiment repeints par les élèves de l’école de Katajanokka et la fabrication, toujours par des écoliers, de fanions destinés à l’accueil des bateaux de croisière sur les quais de Hernesaari constituent de bons exemples.
Katajanokka Paintings by Pupils ©Port of Helsinki
Le cadre bâti de l’interface Ville Port
Le cadre bâti de l’interface Ville Port est constitué des différents composants physiques de l’environnement bâti, à savoir les espaces aménagés, les bâtiments et les infrastructures. Il couvre aussi une échelle environnementale.
Les espaces d’interface
Les espaces portuaires aménagés et leurs composantes créent des points de contact avec la zone urbaine et font office de jonctions dans le paysage urbain. Les bâtiments et les structures portuaires servent avant tout au transport des marchandises, mais ils facilitent également la mobilité des personnes. Les bâtiments et les structures portuaires sont en outre dotés d’une dimension architecturale et technique : ils sont des chefs-d’œuvre d’ingénierie qui donnent un intérêt technique supplémentaire au paysage spatial.
L’aménagement des zones portuaires urbaines existantes est un exercice important pour la ville et pour le port. Un bon exemple est celui de l’aménagement du Terminal 2 du West Harbour à Helsinki. Les urbanistes et le service des permis de construire de la Ville ont déployé de réels efforts de coopération avec le Port pour trouver des solutions concernant la construction d’un nouveau bâtiment destiné à l’accueil des passagers à West Harbour.
L’échelle infrastructurelle
Améliorer l’accessibilité aux terminaux situés en centre-ville est quelque peu compliqué dans les villes compactes. Helsinki s’est fixé pour objectif de poursuivre le développement de son système d’information portuaire, notamment dans les terminaux du centre-ville. Les solutions envisagées concernent les liaisons du réseau RTE-T et prévoient une meilleure accessibilité à tous (automobiles, transports publics, piétons, cyclistes). Le port et les autres utilisateurs des infrastructures de circulation auraient tout intérêt à pouvoir accéder à des données en temps réel plus précises sur le trafic et d’informations sur les prévisions de circulation.
Jusqu’alors, la ville et le port ont travaillé à l’amélioration des feux tricolores aux abords des terminaux à travers un système de signalisation intelligent qui permet de suivre en temps réel les mouvements des bateaux et les flux de véhicules dans les rues. Il est aussi question de construire une liaison routière intelligente dans les environs de West Harbour qui permettrait d’optimiser le trafic à l’un des carrefours les plus fréquentés et les plus compliqués de la ville sur la base de différentes stratégies. L’objectif est de développer une solution intelligente capable de gérer l’optimisation des temps de transport, la congestion, les émissions polluantes, etc. Une application mobile qui permettrait à tous de suivre les informations en temps réel est également à l’étude.
De nombreux trams et un réseau national d’autocars bien développé font que les terminaux du centre-ville d’Helsinki sont bien desservis par les transports publics, en complément d’une offre de vélos et de trottinettes électriques en libre-service. Le système de transports publics a été aménagé en collaboration avec les compagnies maritimes et l’agence régionale des transports publics. Un système similaire a été mis en place à Tallinn rendant l’achat des billets et l’utilisation des transports plus faciles dans l’ensemble de la région Helsinki – Tallinn : une approche centrée sur les utilisateurs qui facilite les déplacements entre les deux villes.
Le SIG et de nombreuses données numériques et techniques composent notre interface numérique. Le port, en tant que partie intégrante de la ville, utilise la carte numérique et la plateforme de données de la Ville. Cela permet d’accéder à des informations précises et actualisées concernant, par exemple, les terrains sous concession. De nombreuses solutions applicables à l’infrastructure portuaire (électricité, alimentation en eau et assainissement, etc.) sont programmées et mises à exécution en collaboration avec les élus municipaux et les instances régionales compétentes.
L’interface numérique des terminaux d’Helsinki comprend un accès gratuit au réseau WLAN de la ville. Ce réseau ouvert permet d’accéder aux dernières informations et aux services numériques proposés à l’échelle locale.
L’échelle environnementale
Le Port d’Helsinki dispose d’un permis environnemental pour tous ses sites. Destiné à orienter ses activités, ce document décrit les réglementations en vigueur en matière d’impact environnemental, par exemples les niveaux de bruit et d’émissions polluantes autorisés. Les niveaux de bruit et d’émissions polluantes sont strictement surveillés et les émissions font l’objet d’un suivi régulier par l’autorité environnementale locale. Grâce au travail de coopération entre le port et les compagnies maritimes, les seuils autorisés ne sont pas dépassés.
L’impact des nuisances sonores et des émissions polluantes produites par les bateaux et les activités portuaires est évalué conjointement avec les urbanistes lors de l’élaboration des plans d’occupation des sols afin que les plans d’aménagement urbain garantissent un niveau adéquat de protection contre le bruit dans pour l’obtention des permis de construire. L’idée est de permettre le maintien des activités portuaires tout en garantissant un cadre de vie durable. Le plan d’aménagement urbain a été renforcé par des mesures anti-bruit systématiques, et l’obtention des permis de construire est soumise à la présentation de plans de prévention du bruit. De plus, le Port, les urbanistes et des consultants en acoustique ont travaillé ensemble à l’élaboration de lignes directrices pour lutter contre le bruit émis par les bateaux.
Afin de minimiser l’impact environnemental dans les terminaux, le port a pris d’autres initiatives comme l’installation de dispositifs d’autoamarrage et de courant de quai et le développement de stations d’avitaillement en GNL.
La construction et la mise en service du port de commerce de Vuosaari a affecté les secteurs environnants dont des zones naturelles sensibles (Natura 2000) comme l’archipel et des habitations situées à proximité. Pour réduire le bruit généré par les bateaux et les activités portuaires, le port a construit un mur acoustique d’une hauteur de 13 mètres sur un kilomètre de long à l’est du terminal. La structure est équipée de panneaux solaires et fait également office de belvédère sur le port et de spot pour les pêcheurs de loisir.
L’interface du futur
Les fonctions d’exploitation du port vont à l’avenir faire l’objet d’un développement intensif : extension de la surface portuaire et développement des chaînes de transport intermodales, numérisation, automatisation et accueil des passagers. La numérisation et l’automatisation vont améliorer l’efficacité des opérations portuaires et réduire davantage les impacts négatifs sur l’environnement. Les chaînes de transport vont évoluer aux échelles locale, nationale et internationale en vue de permettre la fluidification du trafic, et des services de régulation vont être développés. L’accent sera mis sur l’accueil des passagers afin de rendre les déplacements plus pratiques et plus faciles à travers le développement de services centrés sur la fluidité de la chaîne de transport des passagers. Toutes ces initiatives sont appelées à réunir la Ville, le Port et la communauté urbaine pour envisager de nouvelles perspectives économiques et techniques.