HAROPA – Port de Rouen est implanté le long de la Seine, de son embouchure sur la Manche jusqu’à la ville de Rouen, située à 80km dans les terres. Le trafic maritime et fluvial est essentiel pour Rouen, ce qui explique également la diversité de ses activités, des croisières aux exportations de céréales. L’un des grands défis est la préservation de la qualité de vie des centaines de milliers de personnes vivant aux abords des installations portuaires.
La Qualité de vie et la Santé constituent l’objectif n°9 de « l’Agenda 2030 » de l’AIVP. Nous souhaitons mettre en lumière les bonnes pratiques dans le domaine, et c’est pourquoi nous avons tenu à interviewer M. Xavier LEMOINE, directeur de l’Aménagement Territorial et de l’Environnement de HAROPA – Port de Rouen.
HAROPA – Port de Rouen est membre actif de l’AIVP depuis 1989.
AIVP – Vous avez récemment annoncé que la Commission européenne va co-financer votre projet de bornes d’électricité à quai, dans vos installations le long de la Seine. Autre projet, une navette fluviale électrique reliant les deux rives de la Seine a été testée à Rouen depuis 2019, une autre bonne pratique pour réduire les émissions de Co².
Qu’attendez-vous de ces deux mesures ? Plus généralement, quelle est votre stratégie pour continuer à réduire la pollution de l’air ?
M. Xavier LEMOINE, HAROPA – Port de Rouen – La réduction de la pollution de l’air, mais aussi des émissions de Gaz à Effet de Serre, correspond à un objectif important pour lutter contre le changement climatique. Un des axes de la politique environnementale de HAROPA – Port de Rouen est dédié à la transition énergétique. Le Port de Rouen a un rôle essentiel dans la promotion des modes de transport et de mobilité durable et met en place de nombreuses actions pour répondre à cet objectif.
Pour cela, nous encourageons :
– La promotion des modes de transport propres. En premier lieu à travers la mise en place d’une bonification des redevances dans le cadre de l’ESI (Environnemental Ship Index), mesure de la performance environnementale des navires de mer (émissions de CO2, SOx et NOx) par rapport aux règles de l’OMI. En effet depuis 2013, HAROPA – Port de Rouen a pris la décision de récompenser les compagnies maritimes qui exploitent, à Rouen, les navires les plus respectueux de l’environnement. En second lieu, par la réalisation d’études et d’échanges avec les acteurs concernés sur l’accueil d’énergies décarbonées ou peu carbonées comme le GNL, l’hydrogène… sur le port, pour l’avitaillement des navires ou autres moyens de déplacement.
– Le report modal à travers la mise en place de mesures ciblées d’incitations financières
– La massification des flux de marchandises
– Les services aux navires en escale tels que les branchements électriques des convois fluviaux de marchandises, qui permettent de se substituer des groupes électrogènes des navires. Le Port de Rouen a déjà mis en service deux bornes en 2018 sur les quais urbains dédiés à la batellerie pour le fret et prévoit un déploiement progressif de 17 bornes au total sur les quais et les terminaux à service fluviaux importants.
D’autres actions sont menées telles que :
– Le développement d’énergies renouvelables sur le territoire portuaire, notamment l’énergie photovoltaïque (fermes solaires, toitures solaires…)
– Pour les propres moyens du Port de Rouen, la rénovation énergétique des bâtiments, des hangars portuaires ou la mise en place du Plan Déplacement Entreprise et notamment la gestion du parc automobile et l’achat d’une flotte de véhicules électriques.
AIVP – Un certain nombre d’accidents industriels se sont produits ces dernières années dans les villes portuaires européennes. L’un des plus grands défis pour les autorités est de mesurer les niveaux de pollution et de parer aux éventuelles conséquences sur la santé humaine.
Que peut faire un port comme HAROPA – Port de Rouen pour aider à améliorer les normes de sécurité et les moyens de minorer la pollution ?
M. Xavier LEMOINE, HAROPA – Port de Rouen – En matière de réglementation, l’autorité portuaire n’est pas à la manœuvre pour la fixation de normes ou des processus. Les services de l’Etat, et particulièrement la DREAL et la DDTM, jouent pleinement leur rôle en termes de formulation de prescriptions mais aussi de suivi des industries ou des projets portuaires, afin que les normes soient totalement respectées.
Dans le cas de l’incendie Lubrizol et Normandie Logistique, nous pouvons rappeler la totale coopération dont ont fait preuve les différents services de HAROPA, les services de l’Etat, les services portuaires (lamanage, remorquage) et l’ensemble des intervenants sollicités pour compléter les moyens de lutte contre l’incendie ainsi que pour limiter et éliminer la pollution dans le Bassin aux Bois.
Le Port de Rouen a également signé en mars 2020 un nouveau partenariat avec le SDIS 76 afin d’améliorer les moyens d’interventions nautiques des sapeurs-pompiers et de prendre en compte les nouveaux besoins identifiés tels que l’assistance et le secours aux navires des croisières fluviales, filière en croissance depuis plusieurs années.
Le Port de Rouen et plus particulièrement la Capitainerie joue un rôle de relais d’alerte aux services des secours ainsi qu’auprès de la préfecture.
HAROPA – Port de Rouen est favorable à la mise en place d’une démarche d’élaboration réseaux d’acteurs locaux de la place portuaire visant notamment à renforcer la culture de sécurité, comme par exemple l’association Synerzip au port du Havre. Le Port de Rouen souhaite fédérer les entreprises portuaires au développement d’une telle association sur notre territoire.
Sur ses 4 grandes zones portuaires – Rouen et sa métropole, Saint-Wandrille, Port-Jérôme-Radicatel et Honfleur – , le Port a également un rôle à jouer auprès de ses clients domaniaux. Nous imposons aux usagers implantés de prendre en considération les caractéristiques des terrains qui leur sont mis à disposition afin qu’ils nous soient restitués dans leur état d’origine. Par ailleurs, des clauses d’incitations environnementales sont mises en place afin d’encourager à intégrer la protection de l’environnement au-delà du respect des prescriptions règlementaires.
Nous améliorons en continu la connaissance de notre territoire en consacrant des moyens toujours plus importants, ce qui nous permet notamment d’identifier des terrains sur notre domaine impactés par des pollutions et de les traiter.
AIVP – Début 2020, pas moins de 28 escales de croisières étaient prévues à Rouen, et 57 autres à Honfleur, à l’embouchure de la Seine. Néanmoins, dans votre stratégie « Port vert », vous priorisez les enjeux environnementaux, ce qui pourrait peut-être mener à la mise en place de limitations.
Comment conciliez-vous le développement de la croisière et votre engagement environnemental ?
M. Xavier LEMOINE, HAROPA – Port de Rouen – HAROPA – Port de Rouen est situé au cœur d’un hinterland touristique particulièrement riche avec la proximité de Paris, Giverny, Honfleur, les plages du débarquement… Le Port contribue ainsi au rayonnement touristique de la Vallée de la Seine. Aujourd’hui, la crise sanitaire liée au Covid-19 impacte beaucoup la filière des croisières maritimes et fluviales.
HAROPA – Port de Rouen se positionne sur un marché de niche « haut de gamme » pour la croisière maritime. Il peut accueillir des paquebots d’une longueur pouvant aller jusqu’à 260 m et dispose de deux terminaux pour les croisières, l’un à Rouen et l’autre à Honfleur.
La flotte de paquebots fluviaux de compagnies de différentes nationalités (française, hollandaise, allemande, suisse, australienne, américaine…) est en constante croissance permettant ainsi de renforcer l’offre et d’augmenter le nombre de croisiéristes. Les lieux d’escale présents sur le territoire du Port de Rouen sont Honfleur (place prisée par les compagnies avec Paris), Caudebec-en-Caux et Rouen.
Dans la continuité des réflexions menées sur les bornes électriques (cf. la première question), HAROPA – Port de Rouen a lancé avec VNF une étude de faisabilité permettant de définir les besoins des bateaux fluviaux de voyageurs en identifiant les lieux d’implantation et les équipements liés au dimensionnement des réseaux. Les travaux ont été validés et retenus par la Commission européenne pour être co-financés. Ce déploiement permettra la prise en compte des bateaux de croisières fluviaux, tant en escale qu’en hivernage. Il sera effectif complètement fin 2023 par la mise en place, pour HAROPA – Port de Rouen de 5 bornes (2 pour les escales et 3 pour l’hivernage).
Par ailleurs, pour les paquebots maritimes, le Port envisage la mise en place des équipements nécessaires sur les terminaux et quais portuaires permettant l’alimentation électrique des navires en substitution des groupes électrogènes thermiques du bord. Cette mise en place, qui nécessite de très fortes puissances et de nombreux échanges avec les compagnies de croisière, est envisagé à horizon 2025 pour les terminaux de Rouen et de Honfleur.
AIVP – Les ports sont aussi responsables des étendues d’eau se trouvant dans leur circonscription, et dans le cas d’un port maritime et fluvial comme Rouen, cela inclut à la fois de l’eau douce et de l’eau de mer. Cette situation particulière, fluviale et estuarienne, rend d’autant plus intéressante la problématique de la gestion des eaux.Pouvez-vous nous donner des détails sur la gestion des eaux à HAROPA – Port de Rouen ?
M. Xavier LEMOINE, HAROPA – Port de Rouen – Le Port de Rouen est un Port maritime dont le territoire englobe l’estuaire de la Seine de Rouen à la mer.
Il contribue à des actions d’amélioration de la connaissance du système estuarien à travers sa participation à des programmes de recherche sur le fonctionnement de l’estuaire au sein du Groupement d’Intérêt Public Seine Aval (GIPSA) qui regroupe plusieurs acteurs du territoire (collectivités, Agence de l’eau, Industriels…). Par exemple, ils mènent une réflexion sur l’impact de la montée des eaux de la Seine due au changement climatique.
Le Port travaille également en partenariat avec le GIPSA, le Laboratoire M2C de l’Université de Rouen et IFREMER à la mise en place d’un réseau de suivi en continu sur l’estuaire de la Seine : le réseau SYNAPSE (Système de Surveillance Automatisé de la Physico-chimie en Estuaire de Seine). L’objectif de ce réseau est de permettre un meilleur suivi des paramètres liés à la qualité de l’eau (turbidité, concentration en oxygène, pH, conductivité (salinité) mais aussi d’améliorer la connaissance du fonctionnement du système estuarien d‘un point de vue hydrodynamique sédimentaire.
L’architecture de ce réseau repose principalement sur les infrastructures mises à disposition par le Port de Rouen, à savoir l’utilisation des marégraphes ainsi que le déploiement de sondes multi-paramètres poursuivi sur la période 2014-2019. Le Port assure également la surveillance des impacts des activités portuaires par la mise en place de nombreux suivis environnementaux, notamment sur l’activité de dragage d’entretien (benthos, poissons, qualité chimique des eaux et des sédiments, bioaccumulation, …).
Il travaille à l’amélioration des pratiques d’entretien (plan zéro phyto, gestion différenciée des espaces verts) et à l’évolution de ses réseaux d’assainissement et du traitement des eaux pluviales sur la place portuaire.
Sur le plan biodiversité, le Port mène de nombreuses actions de restauration écologique en faveur des zones humides et sur l’amélioration de leurs fonctionnalités écologiques. Il favorise notamment la création d’annexes hydrauliques et le lien avec le fleuve. Pour n’en citer que quelques-unes, les sites de la Darse de Lillebonne et les petits Saules à Sahurs sont deux exemples de ce type de restauration écologique menée récemment par HAROPA – Port de Rouen.