Entretien avec Edgars Sūna, Deputy CEO for Port Development, Freeport of Riga
Le Port de Riga a dévoilé son plan de développement 2019-2028 en ce début d’année 2019. Il sera basé sur une politique socialement responsable, l’utilisation durable des ressources et le respect de l’environnement. C’est l’occasion pour nous d’en discuter avec Edgars Sūna en préalable aux Rencontres AIVP que nous organisons à Riga du 6 au 8 juin prochain.
Le Freeport of Riga Authority est un membre actif de l’AIVP depuis 2006 !
AIVP – Votre Programme de Développement 2019-2028 a été présenté aux médias et à vos partenaires en février dernier. Il réaffirme notamment votre volonté de concilier compétitivité et respect de l’environnement. C’était l’une des motivations pour la relocalisation vers l’île de Krievu de vos activités présentes en centre-ville. Ce transfert est désormais achevé et le terminal de Krievu Island est opérationnel depuis décembre dernier. Pouvez-vous nous rappeler ce qui vous avez amené à décider cette relocalisation, et ses impacts attendus ?
Edgars Sūna, Freeport of Riga – La décision de relocaliser les activités de manutention des vracs solides à l’écart du centre-ville pour les rapprocher de l’embouchure du fleuve Daugava a été prise dès 2005. À l’époque, la Ville et le Port de Riga s’inspiraient du modèle de gestion de nombreux pays européens, notamment des ports scandinaves, qui considéraient que les infrastructures portuaires historiques, relativement plus dégradées, pouvaient être reconverties en quartiers urbains modernes pour ainsi répondre aux besoins croissants de la ville en espace, ainsi qu’à la nécessité de garantir aux habitants un environnement de meilleure qualité et un accès plus direct au waterfront. Il convient aussi de souligner que le boom du marché immobilier et l’intérêt des investisseurs pour les secteurs d’Andrejsala et d’Eksportosta ont donné un élan supplémentaire au lancement du projet. Ces propositions ont reçu un accueil favorable du public et ont attiré l’attention et le soutien politiques.
Finalement, la Ville et le Port, dans le cadre d’un dialogue engagé sur les priorités de développement et besoins futurs de chacun, sont arrivés à la conclusion selon laquelle le port devait quitter le centre-ville et s’étendre vers le nord, par exemple en exploitant de nouveaux territoires et en construisant de nouvelles infrastructures sur l’île de Krievu qui en est totalement dépourvue.
Fort de cet appui public et politique, le Port a, d’autre part, créé des infrastructures modernes et performantes, destinées à améliorer sa compétitivité et à offrir à ses clients des services de meilleure qualité. L’installation du terminal vraquier sur l’île de Krievu, à proximité de l’entrée du port, permet de réduire non seulement l’impact environnemental des activités portuaires situées à proximité du centre-ville historique mais également les impacts négatifs dans leur ensemble (les navires effectuant un trajet plus cours pour rejoindre les nouveaux terminaux, l’environnement est mieux préservé). Qui plus est, la relocalisation permet de réaliser d’importantes économies sur les coûts de dragage et d’entretien du chenal d’accès des navires. Cela nous amène à affirmer sans l’ombre d’un doute que la mise en œuvre du projet de l’île de Krievu, achevée en 2018, est une initiative gagnant-gagnant pour la Ville et pour le Port.
AIVP – Quelles autres actions majeures en matière de développement durable avez-vous mises en œuvre et/ou programmées ?
Edgars Sūna, Freeport of Riga – À vrai dire, ce type de mesures n’est en rien une innovation. Les activités telles que le suivi des impacts environnementaux, l’amélioration des technologies de protection de l’environnement, et les procédures administratives liées aux questions environnementales au sein de l’autorité portuaire sont monnaie courante depuis longtemps déjà. Pour n’en citer que quelques-unes :
- nous avons procédé au nettoyage de zones portuaires polluées depuis très longtemps par des résidus de produits pétroliers ;
- plusieurs stations de surveillance assurant un contrôle permanent de la qualité de l’air ont été installées dans la zone portuaire, et notamment tout récemment sur l’île de Krievu ;
- la qualité de l’eau est régulièrement contrôlée afin d’identifier et réduire au minimum la contamination et prévenir les risques majeurs de pollution, etc. En outre, l’Autorité portuaire s’emploie résolument à promouvoir la mise en place des meilleures technologies et pratiques environnementales auprès des opérateurs portuaires. Nous sommes certifiés ISO 14.000 depuis un certain temps et nous nous efforçons de montrer l’exemple et de faire adopter cette approche dans les terminaux. Tout commence par l’engagement. Il suffit de croire sincèrement en la nécessité d’implémenter ce type de mesures.
Je peux néanmoins vous garantir que, compte tenu du poids croissant du développement durable et compte tenu de notre responsabilité envers la communauté quant à l’impact environnemental généré par les activités portuaires, ces questions ont fait l’objet d’une attention encore plus soutenue pour l’élaboration du nouveau Programme de Développement du Port de Riga 2019-2028. En résumé, notre objectif pour les dix prochaines années est de faire du Port de Riga un « smart port » par l’amélioration des technologies utilisées et l’automatisation, la mise en place de systèmes de surveillance intégrés entre les autorités publiques concernées, la synchronisation et l’accélération des échanges de différents types d’informations, notamment concernant les mesures de protection environnementale. Nous continuons à croire que ce que nous faisons aujourd’hui n’aura aucun effet négatif sur l’environnement portuaire à long terme, même si les bénéfices peuvent être tentants. Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de faire des choix égoïstes et irresponsables.
AIVP – Ce Programme de Développement 2019-2028 met également l’accent sur le développement du transport passagers. Vous avez accueilli 75000 croisiéristes en 2018 et selon les estimations ce chiffre pourrait plus que doubler d’ici 2030. Vos équipements actuels permettront-ils de les accueillir ou vous faut-il un nouveau terminal ? Et quelles solutions envisagez-vous pour gérer cette activité touristique et son impact sur l’environnement urbain ?
Edgars Sūna, Freeport of Riga – La croissance du trafic passagers, croisière et ferry, est en effet l’un de nos objectifs stratégiques pour les 10 prochaines années conformément au nouveau Programme de Développement du Port de Riga 2019-2028. Plusieurs études et estimations effectuées par des organisations et associations de renom du secteur de la croisière, justifient une forte croissance et mettent l’accent sur le potentiel commercial. Par exemple, selon la CLIA (Cruise Lines International Association), le nombre de passagers de croisière devrait atteindre 12,3 millions à l’échelle européenne en 2026, comparativement à 7 millions en 2017, quasiment le double. Il va sans dire que la croisière en mer Baltique est un marché émergeant dont le fort potentiel n’est pas exploité au maximum, tout comme celui des nouvelles destinations qui retiennent plus l’attention des croisiéristes que les grandes destinations d’Europe Centrale et de Méditerranée. Nous entendons profiter de la croissance globale attendue dans le secteur, notamment en mer Baltique.
Au vu de ce qui précède et dans le cadre de notre nouveau programme de développement, nous avons fixé pour objectif d’atteindre 150 escales par an pendant la saison des croisières qui dure de mai à septembre. C’est assez ambitieux par rapport au nombre actuel, qui est de 85 escales par saison en moyenne. Avec un trafic aussi intense, nous devrons certes disposer de nouvelles infrastructures dans la mesure où la saison des croisières ne dure que quelques mois et que le port peut accueillir plusieurs bateaux simultanément.
Je dois admettre que nous avons eu la chance que la mise en œuvre du projet Krievu, qui prévoyait le déplacement des activités de vrac solide vers l’île de Krievu, offre de nouvelles opportunités pour améliorer, par exemple, l’accueil des bateaux de croisière.
Il y a deux aspects importants qui justifient que ces zones soient réaménagées pour être adaptées à l’accueil des bateaux de croisière. D’abord et avant tout, le Territorial Plan and Zoning of the City (plan local d’urbanisme) stipule que le secteur d’Andrejsala n’est accessible qu’aux seuls navires RoPax. Ensuite, c’est l’emplacement idéal pour accueillir les bateaux de croisière car il dispose de 500m de longueur de quai et un tirant d’eau de 11m. Il importe également que ce secteur ne se trouve qu’à 10 minutes en voiture de la vieille ville où se concentrent la plupart des sites touristiques de Riga. Nous estimons que l’ancien site pourra servir à compléter la structure de l’actuel terminal passagers de sorte à accueillir davantage, voire de plus gros, navires de croisière. Nous sommes enclins à penser que la ville et particulièrement les professionnels du tourisme sauront apprécier et soutiendront notre initiative.
AIVP – Votre document programme met également l’accent sur la responsabilité sociétale. Comme vous le savez, l’AIVP est très attentive à cette dimension du Port Citoyen. Vous avez mené différentes actions en ce domaine. Je pense notamment à la Rencontre que vous avez organisée en novembre dernier avec les habitants de Riga pour présenter ce programme de développement et discuter de votre futur, ou encore aux concours que vous avez proposés aux étudiants. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces échanges, leurs retombées, et sur les autres types d’actions sociétales que vous auriez mises en œuvre ou que vous envisagez ?
Edgars Sūna, Freeport of Riga – Il est vrai que par rapport au programme de développement précédent, notre nouvelle stratégie accorde davantage d’importance à la manière d’articuler la relation entre le port et la société. Nous avons appris de nos expériences antérieures qu’il valait mieux faire des citoyens nos partenaires plutôt que de simplement essayer de vivre chacun de son côté. Nous ne nous contentons pas de l’indifférence de la société à l’égard du port parce que la méconnaissance des processus que nous engageons peut se traduire par leur rejet et nous risquons de passer à côté de bons projets. En revanche, l’implication de la communauté dans le processus de décision et les consultations publiques font que les gens se sentent respectés et concernés par les questions portuaires.
Nous nous efforcerons donc à l’avenir de mieux renseigner le public sur nos projets et, bien sûr, de communiquer plus régulièrement avec les représentants des quartiers d’habitation situés à proximité immédiate du port sur les activités susceptibles de concerner leurs intérêts. Je pense pour ma part que la nouvelle stratégie portuaire a également changé notre façon de penser, et assurément pour le meilleur, et nous voyons désormais les citoyens davantage comme des parties prenantes et des partenaires que comme comme de simples voisins qui vivraient de l’autre côté d’un mur.
Nous allons continuer à organiser des activités à caractère social dans le port et à participer aux grandes manifestations qui ont lieu en ville. Tout d’abord, le Port de Riga est partenaire de longue date du festival annuel de Riga organisé par la Ville. C’est l’événement de l’été le plus connu et il engendre beaucoup de retombées positives pour le port. Ce festival a pour but de divertir les habitants et les visiteurs, mais nous nous efforçons également de leur faire découvrir les activités portuaires sous forme interactive afin de leur permettre de mieux comprendre le rôle du port dans la dynamique urbaine. Une attention particulière est accordée aux jeunes et aux enfants, car ce sont eux qui seront chargés du développement futur du port et de la ville.
Ensuite, tous les ans au printemps, nous organisons un « nettoyage collectif de l’environnement » appelé Lielā talka, une activité très répandue en Lettonie. Au sortir d’un long hiver, nous apprécions de nous retrouver à l’extérieur pour respirer le grand air et travailler côte à côte en prenant soin de l’environnement. Le Port de Riga organise tous les ans un Lielā talka et nous intervenons aussi dans les quartiers d’habitation adjacents, ce que la population ne manque pas d’apprécier.
Enfin, nous organisons aussi à l’intention du public des activités de moindre ampleur comme des concours destinés aux écoliers pour récompenser les meilleures idées de développement Ville Port, ainsi que des concours de dessins où les enfants sont invités à illustrer leur vision du port de demain, etc.
La ville de Riga et le port de Riga sont deux concepts indissociables depuis plus de 800 ans. La ville est importante pour le port et le port l’est pour la ville. Cette vision continuera de prévaloir, que ce soit dans le cadre des activités portuaires quotidiennes ou lorsqu’il s’agit d’envisager notre avenir.
AIVP, Avril 2019