De nombreux projets et initiatives axés sur le patrimoine culturel de la ville portuaire existent dans le monde. De l’organisation d’événements à la mise en valeur des archives, en passant par les musées, les médias sociaux, ou les Port Centers, tous sont des outils précieux pour améliorer l’intégration sociale du port. L’AIVP vous présente une sélection d’exemples inspirants sur ce sujet. Découvrez-les et inspirez-vous !
Il y a quelques mois, lorsque les premiers confinements ont été décrétés en Europe, nos collègues du groupe de recherche Port City Futures se sont empressés de publier sur leur blog de la musique, des livres, des documentaires et des films sur la culture Ville Port, à savourer depuis son canapé. À travers cette activité simple et assurément plaisante, la diversité des offres culturelles que les villes portuaires peuvent mettre à la disposition des citoyens, qu’ils vivent dans une ville portuaire ou non, a rapidement été mise en évidence. Cette richesse immatérielle contribue à former un imaginaire Ville Port dans l’esprit des habitants et des visiteurs des villes portuaires du monde entier. La culture portuaire constitue effectivement l’une des principales ressources dont disposent les acteurs des relations Ville Port à l’échelle locale pour construire un système d’interaction plus durable, et ainsi contribuer à l’intégration sociétale des ports.
Le patrimoine maritime matériel, dans ses expressions les plus diverses comme la peinture, la photographie ou le dessin, joue également un rôle essentiel dans la construction des identités Ville Port. Les villes portuaires sont des toiles sur lesquelles les différentes périodes de l’histoire ont laissé des marques. On peut y lire l’évolution de notre société et de notre culture. Souvent, le port était une raison d’être, un moteur de croissance et de changement pour les villes portuaires. Le développement de nouvelles techniques maritimes a fait évoluer le waterfront et les activités qui y étaient développées. Dans cette quête constante d’innovation, de nouveaux commerces, de nouveaux métiers et de nouveaux comportements sociaux sont venus se superposer, réécrivant sans cesse l’histoire. C’est ce palimpseste qui forme la ville portuaire d’aujourd’hui. Les habitants et les visiteurs peuvent y percevoir une identité spécifique, fondée sur des systèmes de symboles et de représentations (artistiques ou non). Aujourd’hui, en cette période difficile, l’on continue de faire appel à cette identité pour maintenir le lien entre les villes, les ports et les citoyens.
Au XXIème siècle, les principaux acteurs de la relation Ville Port doivent chercher à équilibrer de nombreuses valeurs, économiques et environnementales, mais aussi culturelles. La tâche n’est pas aisée car de nombreux intérêts sont en jeu. C’est pourquoi l’AIVP a décidé de faire de la culture et de l’identité portuaires l’un des 10 objectifs de son Agenda 2030, soulignant leur importance dans la relation Ville Port. Les habitants des villes portuaires doivent éprouver un sentiment et une fierté d’appartenance. Nous avons identifié plusieurs solutions concrètes pour faire bouger les choses.
Échange de bonnes pratiques pour la diffusion de la culture Ville Port : l’enseignement des membres de l’AIVP et des experts mondiaux
Entre octobre et novembre, nous avons eu l’occasion de rencontrer plusieurs membres, experts et grandes organisations pour savoir quels seraient les idées et les projets proposés au public dans les mois à venir dans le domaine de la culture Ville Port. Au cours d’un entretien avec M. Obersnel, maire de Rijeka, celui-ci nous informait que la ville de Rijeka (Croatie), capitale européenne de la culture 2020, avait choisi l’identité portuaire et sa diversité comme thème central de son programme d’activité. Il indiquait encore que les ports avaient toujours été des symboles de changement et de migration, des espaces de transition, et qu’il fallait dès lors chercher à attirer le public dans les ports, l’inviter à le découvrir et à se rapprocher de l’eau.
Comment rapprocher les citoyens du port ?
L’une des principales missions des villes et des ports consiste en effet à rapprocher les citoyens du port pour tenter de créer un lien affectif entre les habitants et l’environnement portuaire dans lequel ils vivent. Mais il n’y a pas de recette miracle. Nos membres sont toutefois parvenus à identifier plusieurs outils et initiatives qui peuvent simplifier la tâche. La première chose est bien sûr d’ouvrir un Port Center, c’est ce qu’ont déjà fait de nombreuses villes portuaires. Dans ce dossier, nous verrons que le port de Rotterdam a décidé d’ouvrir un nouveau Pavillon portuaire, en complément des structures existantes sur différentes places portuaires. Le Port nous explique pourquoi et dévoile les détails du projet. Toutefois, la construction « physique » d’un bâtiment n’est pas indispensable à l’ouverture d’un Port Center. La CCI de Nice, qui vient de créer une nouvelle plateforme virtuelle destinée à expliquer le port et le rendre accessible à chacun, nous en apporte la preuve.
Autre possibilité, l’organisation de festivals portuaires pour que le public profite du fabuleux paysage. Dans ce dossier, nous découvrirons deux manifestations connexes : l’initiative italienne déployée dans tout le pays par Assoporti et un événement à l’échelle locale organisé par un nouveau membre de l’AIVP, le Port de Tarente. Tandis que Mme. Tiziana Murgia énonce les défis posés par l’organisation des « Italian Port Days », une manifestation nationale ayant impliqué 11 autorités portuaires, M. Sergio Prete, président du Port de Tarente, évoque, au cours d’un entretien, les aspects essentiels des Journées portuaires de Tarente. Dans les deux cas, la coopération entre parties prenantes est apparue clairement comme une nécessité, signifiant qu’il était possible de mettre la culture portuaire à l’honneur en période de pandémie.
Le patrimoine culturel comme ressource de développement durable
Le patrimoine portuaire (bâti, équipement, archives) est aussi l’un des fondements essentiels de l’objectif 6 de l’Agenda AIVP 2030. Les acteurs Ville Port doivent apprendre à préserver cet héritage et en parler à la population. Ainsi que l’explique très justement Mme Sylvie Vachon, présidente-directrice général du port de Montréal (Canada), dans son article intitulé « Célébrer le passé pour mieux bâtir l’avenir », il existe plusieurs façons de mieux faire connaître l’héritage portuaire d’une ville. Il est possible, par exemple, de créer de nouveaux espaces publics, comme l’a fait Montréal dans le cadre du projet Grand Quai. Ce projet prévoit également la création d’un Port Center qui expliquera l’histoire et le fonctionnement actuel du port. En dehors des musées, d’autres structures culturelles peuvent tout autant mettre en avant l’histoire des villes portuaires. C’est ce que nous apprend M. Lar Joye dans son article sur les archives portuaires de la Dublin Port Company (Irlande). Une vaste collection de cartes, photographies et dessins d’ingénieurs ont servi de support à différentes initiatives destinées à renouer avec les citoyens. Ceux-ci ont même été invités à participer à la constitution de nouvelles archives et à raconter leur propre histoire.
En dépit des exemples positifs que nous présentons ici, la préservation du patrimoine culturel des villes portuaires demeure souvent un sujet compliqué. C’est ce qui nous a poussé à nous rapprocher d’une institution spécialisée en la matière, l’UNESCO, afin d’aborder franchement la question et connaître les dernières directives et recommandations en la matière. Un webinaire a eu lieu fin octobre, animé par Mme. Carola Hein, M. Jyoti Hoshagrahar, Centre du patrimoine mondial, M. Hrvoje Kulušić, autorité portuaire de Dubrovnik et M. Lar Joye, Dublin Port Company. Le débat s’est centré sur la recommandation de l’UNESCO concernant les paysages urbains historiques, et notamment sur la question de la gestion et de la préservation du patrimoine en tant que pilier essentiel de la « valeur universelle exceptionnelle » d’un bien, déterminante pour son inscription sur la Liste du patrimoine mondial. Par ailleurs, il est apparu clairement que s’occuper de gérer les secteurs pouvant influencer le patrimoine culturel, tel que le tourisme ou les infrastructures de transport, était une lourde tâche. Il existe heureusement des exemples encourageants, comme à Dubrovnik et Dublin, où une meilleure gestion de l’activité croisière a été mise en place ainsi qu’une plus grande coordination avec les Villes.
Le patrimoine portuaire à Dakar (Sénégal)
Le domaine sensible de la mémoire collective recèle aussi des exemples positifs. Les villes portuaires, qui ont été au cœur d’une pratique tragique et honteuse, la traite négrière, doivent aujourd’hui ouvrir la voie face à l’héritage de l’esclavage et du colonialisme. Dans la plupart des villes portuaires africaines, des expériences douloureuses et ambivalentes restent confinées aux limites de la ville. C’était le cas à Dakar, capitale du Sénégal et plus grand port du pays. La Ville de Dakar, l’une des premières à avoir rejoint l’AIVP en 1995, s’est attaquée à la question, s’évertuant à mettre en avant sa diversité culturelle. Dans la baie de Dakar se trouve l’île de Gorée, site du Patrimoine mondial de l’Unesco, où la mémoire de l’esclavage est toujours vive. Mme Soham El Wardini, première femme maire de Dakar, nous a expliqué lors d’un entretien comment elle s’efforçait de faire cohabiter patrimoine Ville Port et mémoire, parfois douloureuse, pour construire une ville plus harmonieuse, tout en rappelant une valeur cardinale au Sénégal, le « Teranga », mélange d’hospitalité et d’énergie positive.
Les réseaux sociaux, support de diffusion de la culture Ville Port
Pour conclure le dossier, Maurice Jansen nous explique comment il a incité les étudiants à venir découvrir l’identité Ville Port grâce aux parcours « Port City Instawalks », leur donnant la possibilité de comprendre à leur rythme et selon leurs propres intérêts. Cet exercice intelligent illustre un autre moyen innovant de rapprocher la population, et plus particulièrement les jeunes, du patrimoine culturel des villes portuaires. Permettre au public de profiter et de découvrir le patrimoine portuaire par lui-même est certainement une bonne stratégie en cette période où les rassemblements et les manifestations culturelles sont limitées.
Des idées assurément utiles, et qui devraient inspirer de nouvelles stratégies de promotion de la culture Ville Port.