Les waterfronts sont des zones très appréciées par toutes les parties prenantes des villes portuaires. Pour les autorités et les entreprises portuaires, il s’agit d’un espace nécessaire à leur fonction, pour le marché immobilier, c’est une zone très attrayante pour les nouveaux développements de logements et pour les habitants, ce sont des zones idéales pour de nouveaux espaces publics.
Répondre à toutes ces ambitions est complexe, aussi, pour une gouvernance ville-port innovante, il est nécessaire de développer une politique territoriale équilibrée entre les usages urbains et le port actif, notamment sur le waterfront.
Dans cet article, Flavio Galanis, du port de Buenos Aires, explique comment cela est réalisé dans le cas de l’Argentine.
Puerto Buenos Aires est membre de l’AIVP
Introduction
La déréglementation des ports argentins survenue dans les années 1990 a conduit à la création de ports privés et à la mise en concession des terminaux de Buenos Aires. Le transfert des activités de vrac en amont, au plus près des centres de production, a permis un fonctionnement plus propre du port de Buenos Aires et une réduction de ses impacts négatifs sur la ville du fait de l’éloignement des nuisances (poussière, émanations, bruit) inhérentes à la manipulation du vrac. Le port a ainsi pu se spécialiser dans les activités conteneurs et le transport de passagers, filière quasi inexistante il y a encore vingt-cinq ans. La présence de grands bateaux de croisière attire le public et elle répond aux intérêts de l’industrie touristique de toute grande agglomération. Par ailleurs, la reconversion de l’ancien secteur portuaire de Puerto Madero au Sud du site actuel a changé la donne dans les quartiers voisins, exigeant une meilleure prise en compte de la part de l’autorité portuaire.
Dans ce contexte, l’un des principaux obstacles au rapprochement entre le citoyen et le port et le waterfront, et peut-être celui qui suscite le plus d’appréhensions, est la circulation des poids lourds en zone urbaine, en raison de la congestion et de la pollution sonore, visuelle et aérienne qu’elle génère.
C’est particulièrement le cas à Buenos Aires qui possède une solide infrastructure routière en direction de l’hinterland. Lorsque la ville a été fondée, elle était le premier point de contact du pays avec l’Europe, et donc l’ensemble du réseau ferroviaire et routier national a été développé en vue de faciliter l’accès à son port.
Récemment, le bouclage du périphérique par la construction du Paseo del Bajo (pour laquelle le Port a dû céder un tiers de son domaine) complète un réseau d’autoroutes reliant le port aux accès Nord, Ouest et Sud de la ville. La nouvelle infrastructure a été spécialement conçue pour aisément absorber un trafic moyen de 4 000 camions par jour.
Soulignons que le Port de Buenos Aires, le seul port fédéral du pays, est avant tout une porte d’entrée par où transitent des marchandises en provenance et à destination de tout le territoire. En tant que tel, il est un outil stratégique dans la chaîne logistique nationale. Le port entend coordonner au mieux ses activités avec celles d’une grande ville autonome, tout en facilitant l’accès des habitants au waterfront et en préservant l’identité de la ville. Cet engagement, qui se reflète dans toutes les lignes stratégiques suivies par l’autorité portuaire, se traduit par différente démarches comme, par exemple, la signature de l’Agenda AIVP 2030 autorisée par la résolution 21-AGP.SE-2021. Le contenu de cet article se rapporte essentiellement aux objectifs 4 (notamment le point 4.5 : « Veiller à une politique foncière équilibrée entre usages urbains et port actif en particulier sur le waterfront« ) et 9 (« Améliorer le cadre de vie des populations dans les villes portuaires et préserver leur santé« ) de cet Agenda.
Le projet
Depuis plus de 8 ans, le Port de Buenos Aires travaille – à travers le Plan directeur des infrastructures et conformément aux directives foncières énoncées – au transfert de ses activités marchandises au Nord du domaine portuaire, en veillant à améliorer le potentiel de croissance et la flexibilité d’un environnement industriel et difficile par la construction de terre-pleins gagnés sur le fleuve. En revanche, des aménagements, en projet ou en cours de réalisation, donneront aux secteurs Sud une coloration plus urbaine et touristique. Y seront développés l’accueil des passagers ainsi que des usages mixtes flexibles qui permettront d’atténuer les barrières qui séparent les différents types d’activités et faciliteront leur coexistence.
Nous mettons ici l’accent sur la transformation du secteur et du rivage Nord.
Les ports génèrent un important trafic de poids lourds et leurs voies d’accès doivent avoir la capacité d’absorber ces flux sans gêner la circulation normale ni nuire à l’environnement des zones habitées, espaces particulièrement sensibles dans les grandes villes.
C’est la raison pour laquelle la création d’un nœud routier figure parmi les principaux projets d’aménagement. Cette infrastructure devrait permettre de concentrer les liaisons routières et ferroviaires dans le secteur Nord et de restreindre la circulation des poids lourds à la sortie de l’autoroute à l’intérieur du domaine portuaire (dans le secteur appelé ZAP – Zone de soutien portuaire).
La ZAP est une zone annexe qui fait office de poumon et dont la fonction principale est d’amortir le surplus de trafic depuis et vers les terminaux. Elle comprend un espace de stationnement qui accueille les camions en cas de dernière formalité à accomplir ou lorsqu’ils sont en avance par rapport à l’horaire assigné ou bien dans l’attente d’une consigne de travail, et qui permet d’alléger les axes routiers urbains.
De même, Puerto Buenos Aires est le port le mieux desservi par le réseau ferroviaire argentin. Il dispose d’un accès direct à toutes les lignes en opération, ce qui permet de positionner les conteneurs directement sur la zone de stockage. Favoriser le rail signifie moins de camions en circulation, ainsi qu’un usage plus efficace et raisonné des ressources.
Le projet prévoit également l’aménagement du waterfront en espace dédié aux piétons et aux modes de transport doux.
Les travaux prévus
Il s’agit d’un projet complexe qui requiert l’exécution de différents types de chantiers qui souvent se superposent. Parmi eux :
⦁ la suppression des obstacles (immeubles et équipements abandonnés présents sur le tracé ou qui gênent la circulation) ;
⦁ l’aménagement de nouveaux secteurs gagnés sur le fleuve afin de restructurer le domaine et permettre un accès plus direct aux zones d’attente, ce qui suppose la construction d’ouvrages de contention, l’extraction et le traitement de matériaux de remblai, leur compactage et leur nivellement, la mise en place de dispositifs de drainage, le barriérage, etc.
⦁ la création de voies de contournement et de zones de stationnement et de stockage, et viabilisation (raccordements tout-à-l’égout, voirie, éclairage, etc.) ;
⦁ la construction de voies ferrées pour développer l’acheminement des marchandises sans rupture de charge (déchargement des conteneurs directement à quai et réduction de la circulation des convois en ville) ;
⦁ le développement des espaces de loisirs sur le waterfront pour créer des zones tampons et faciliter la cohabitation des usages et la réappropriation des lieux par les citoyens (trottoirs, pistes cyclables, mobilier urbain, éclairage, balustrades, végétalisation, etc.).
Une fois les travaux achevés, la zone portuaire réservée à la gestion et à la régulation du trafic de poids lourds couvrira environ 5,5 hectares, hors surfaces destinées aux voies de contournement. En outre, le remblaiement partiel du bassin F permettra de créer un lot supplémentaire de 8 hectares au point de jonction avec la ville.
Plus de 15 millions de dollars ont déjà été investis à ce jour, et les photos qui suivent donnent un aperçu de l’avancée des travaux.