Le Port d’Oslo est peut-être le premier, et le seul, port à avoir formulé des orientations esthétiques en matière d’aménagement portuaire.
Auteur : Hans Kristian Riise
Ces orientations donnent une direction à suivre pour tous les choix esthétiques relatifs à l’aménagement de la promenade du port et du port industriel de Sydhavna.
Un projet pour « la ville du fjord » (Fjordbyen)
En janvier 2000, la Ville d’Oslo a décidé de consacrer une large bande du domaine portuaire à des projets d’aménagement urbain. Vingt ans plus tard, une promenade portuaire de 9 km de long relie entre eux plusieurs secteurs disparates du waterfront, permettant aux habitants d’accéder facilement à un vaste espace récréatif.
D’autres terrains ont été libérés pour l’aménagement du port industriel de Sydhavna, situé à trois kilomètres du centre-ville, rendant possible la prolongation de la promenade portuaire, la construction de logements et d’aires de loisirs composées d’espaces verts et de zones de baignade.
Exploiter l’esthétique
L’approche esthétique de Fjordbyen impose aux architectes, architectes paysagers, ingénieurs et autres professionnels un certain nombre de choix ambitieux. Devant la multiplication des projets d’aménagement urbain dans et autour du port survenue au début des années 2000, il nous est apparu indispensable d’élaborer un plan détaillé qui garantirait l’intégrité esthétique du port.
Le Port d’Oslo a formulé des orientations esthétiques pour le secteur de Vippetangen (2012), préconisant la simplification des activités du port industriel de Sydhavna (2011). Au bout de deux ans le Harbor Promenade in Oslo – Principles and Strategic Plan s’est substitué aux orientations concernant Vippetangen. Ce projet, développé sous l’égide de la Ville d’Oslo, a réuni des acteurs-clés présents le long de la promenade. Cette approche a permis de déterminer une orientation globale pour l’ensemble du projet de promenade, y compris pour les secteurs qui ne sont pas exploités ni administrés par le Port d’Oslo.
Les orientations esthétiques formulées s’appliquent tout autant à la signalétique qu’aux projets de construction d’envergure (infrastructures urbaines et routières). Elles concernent aussi les structures, notamment la couleur des silos et des grues de Sydhavna. La démarche vise entre autres à préserver et développer le potentiel esthétique des structures existantes et à donner des orientations d’ensemble pour les futurs aménagements.
Un connecteur urbain
Au niveau du port urbain (Byhavna), la nouvelle promenade assurera la continuité du waterfront d’est en ouest.
Parmi les principes généraux figurent :
- L’amélioration de l’accès aux voies navigables.
- La création d’un environnement et d’une identité.
- L’unicité des différentes sections de la promenade.
- L’aménagement d’espaces de rassemblement.
Le respect de ces principes généraux garantira à chaque section de la promenade un caractère unique. Les orientations formulées accordent une grande importance à cette unicité, à l’aménagement d’espaces de rassemblement, ainsi qu’aux possibilités d’améliorer les usages publics et l’accessibilité de la promenade.
Un espace public de plein air de référence
En 2019, Rådhusbrygge 2 a été désigné « meilleur espace public extérieur » de Norvège.
Depuis le quai Rådhusbrygge 2, on peut rejoindre directement la place de l’Hôtel de ville (Rådhusplassen). Il offre des vues magnifiques sur la forteresse et les îles du fjord d’Oslo. « Nous voulions faire de Rådhusbrygge 2 un lieu de rencontres de référence », déclare Erlend Pehrson, architecte paysager au Port d’Oslo.
« Rådhusbrygge 2 est le quai le plus fréquenté. Il accueille de nombreuses activités de loisirs et manifestations publiques et dispose de beaux espaces extérieurs. Des aménagements ludiques y ont été réalisés à partir de matériaux naturels : briques, bois, filets de pêche pour les espaces de repos, et des panneaux en verre ont été installés à différents endroits du quai pour permettre au public d’observer ce qui se passe dans l’eau. Le waterfront permet aux gens de s’éloigner de l’agitation de la ville, ils peuvent venir s’y détendre et se sentir en contact avec le port », indique M. Pehrson, acteur du réaménagement de Rådhusbrygge 2.
Rådhusbrygge 2
Le site pilote de Skur 13
Le prototypage pour tester des idées. Le site de Skur 13, un ancien entrepôt de papier, est un exemple parfait de site pilote.
« Le site de Skur 13 n’était pas adapté aux activités industrialo-portuaires car il est situé en ville. Nous avons proposé d’en faire un centre de loisirs, en commun accord avec l’agence municipale en charge de l’environnement et l’Oslo Skateboard Association. Le public dispose aujourd’hui d’une salle en libre-accès pour la pratique des diverses activités comme le skateboard et le crossfit », ajoute M. Pehrson.
Le portefeuille foncier dont dispose le Port d’Oslo est propice aux aménagements. Skur 13, idéalement situé à proximité du centre-ville, bénéficie d’une grande visibilité et sa façade sert de vitrine aux photographies de David Yarrow.
Vippetangen
Le secteur de Vippetangen, à cheval entre Rådhusplassen et Bjørvika, garde les traces de ses origines industrielles, dont un marché aux poissons et un silo à grains. D’après les orientations, le site est trop isolé pour que le public puisse s’y promener sans ressentir le besoin de se réchauffer et de se restaurer quelque part. La salle de restauration Vippa (Skur 40) a été aménagée pour répondre à ce besoin dans un local autrefois utilisé par les Douanes pour le stockage des marchandises saisies.
Vippetangen
Gastenparken
Le parc Gastenparken a été inauguré à Akershusstranda en 2019. Il a été aménagé autour de la sculpture « Les marins » de Per Palle Storm, érigée en 1992 en hommage aux marins de la flotte dano-norvégienne (1510-1814) et aux soldats de la Marine royale norvégienne (1814-1945). Doté de nombreuses assises, le Gastenparken dispose aussi d’une sculpture à escalader qui ravit petits et grands. Le parc intègre également une forte composante environnementale : son dallage en matériaux recyclés et son parterre de fleurs lui confèrent un caractère écologique qui contribue à préserver la biodiversité de la ville.
Sydhavna, point de vue d’un architecte
Le port urbain et industriel de Sjursøya joue un rôle essentiel pour Oslo et sa région. Ce port à conteneurs moderne spécialisé dans le transport des biens de consommation et des marchandises industrielles constitue un hub actif respectueux de l’environnement. Le transport maritime, en réduisant le nombre de camions de marchandises en circulation sur les routes, contribue à diminuer la pollution atmosphérique et les embouteillages en ville. Les critères esthétiques constituent une grande priorité pour ce port urbain visible depuis partout en ville (canaux, routes, zones d’habitat).
Une esthétique qui s’inspire de la logistique
Concernant Sydhavna, les directives partent du principe que l’esthétique doit s’inspirer de la logistique, dans une approche similaire à celle suivie dans les aéroports, basée sur des motifs simples et visibles. On part ici de l’idée que les habitants des villes portuaires voient leur port comme une entreprise passionnante, comme quelque chose de dynamique. C’est pourquoi il faut rendre les activités portuaires visibles et non pas essayer de les cacher.
Sydhavna évolue en permanence pour satisfaire les besoins et les attentes des clients du port. On peut donc difficilement envisager des critères esthétiques spécifiques à long terme dans la mesure où nous ignorons quels types de bâtiments ou infrastructures seront nécessaires aux futures activités portuaires.
Les directives restent néanmoins un instrument utile aux architectes et professionnels qui travaillent sur l’esthétisme et la structure du site de Sydhavna. L’architecte Kjersti Olsen livre quelques exemples de la façon dont les directives sont appliquées dans l’aménagement des zones portuaires.
Mettre les courbes naturelles en valeur
« Nous voulons réhausser la fonction et l’identité de chaque structure par le design et l’esthétique. Notre influence est limitée en ce qui concerne les bâtiments industriels et notre intervention doit venir soutenir la structure fonctionnelle inhérente aux différentes entreprises ou secteurs d’activité », déclare Mme Olsen.
Le Port d’Oslo peut jouer un rôle à facilitateur et contribuer à mettre en valeur la beauté et le volume de certaines structures. En ce qui concerne le choix des couleurs et la mise en lumière, on peut décider de souligner ce qu’il y a de plus intéressant, et peut-être chercher à rendre moins visible ce qui l’est moins. « Le site de Nordre Sjursøykai, très visible depuis la ville, fait l’objet d’une attention particulière », indique Mme Olsen.
Des couleurs atmosphériques
« Les directives prônent l’usage de couleurs atmosphériques, comme le gris-bleu et autres couleurs claires, afin que les structures dominantes comme les silos et les grues puissent se confondre avec le ciel et le milieu environnant. Par exemple, les silos de Norcem ont été peints en 3 teintes gris-bleu: une teinte claire, une couleur intermédiaire et un ton plus foncé. L’objectif était de souligner la forme des silos », poursuit l’architecte.
Un découpage chromatique pour de meilleures performances logistiques et plus de sécurité
« Les portes d’entrées et points d’accès sont marqués par des couleurs plus soutenues ou contrastées, souvent inspirées des logos et du profile graphique du client. Une démarche intéressante du point de vue de la logistique et de la sécurité », indique M. Olsen.
Des arbres ont été plantés le long des voies d’accès. Deux espaces verts/zones tampons ont déjà été aménagés et une troisième zone tampon sera achevée dans les années à venir. Les zones tampons permettent de marquer la frontière entre les activités portuaires et industrielles de Sydhavna et les secteurs environnants. Elles protègent également les habitants contre le bruit généré par les activités portuaires et séparent nettement la ville de la zone industrialo-portuaire.
« Les arbres et les zones tampons vertes revêtent beaucoup d’importance. La végétation peut être utilisée comme élément structurel pour dégager une logique et souligner les axes logistiques et les structures de transport. Les arbres et la végétation permettent aussi d’adoucir le caractère peu avenant des zones industrielles. À mesure que les arbres plantés le long de la voie d’accès grandissent, l’impact positif de la zone tampon s’en trouve renforcé », conclut Kjersti Olsen.
