Si le Centre Multimodal de Distribution Urbaine tarde à trouver sa vitesse de croisière, l’intégration des Ports de Lille dans le tissu métropolitain et régional est plus que jamais au centre de la stratégie.
S’appuyant sur 12 sites établis le long des canaux à grand gabarit des Hauts-de-France, les Ports de Lille s’efforcent d’innover pour répondre aux acteurs des logisticiens qui relèvent tous les jours le défi du e-commerce au cœur de la 4e métropole de France.
Leur Directeur Général, Alain Lefebvre nous dresse aujourd’hui un état des lieux de cette relation Port Territoire.
Le Centre Multimodal de Distribution Urbaine fêtera ses 5 ans en 2020. Il a été le point de départ d’une stratégie d’intégration du port au fonctionnement quotidien de la métropole lilloise. Quel bilan tirez-vous de ces premiers 5 ans d’activité ?
Quatrième port intérieur de France en termes de tonnage, Ports de Lille vise à se positionner comme un acteur responsable et engagé dans le paysage métropolitain. Conscients des enjeux liés aux nouveaux modes de consommation et de l’impact du transport de marchandises en milieu urbain, nous avons investi en 2015 dans la construction d’un Centre Multimodal de Distribution Urbaine (CMDU). Notre ambition : proposer un équipement de massification des marchandises acheminées de l’extérieur de l’agglomération par voie d’eau, rail ou route puis distribuées aux commerces de la métropole.
Localisé en zone dense, le CMDU est un vrai outil d’écomobilité pour décongestionner la métropole lilloise et optimiser la logistique du dernier kilomètre. Le Centre bénéficie d’une bonne desserte routière, ferroviaire et fluviale et représente une véritable plateforme logistique à disposition des commerçants et des transporteurs de la métropole.
Malheureusement, en l’absence de soutien institutionnel, le CMDU n’a pas parvenu à trouver sa place dans le paysage urbain actuel. Depuis son lancement en 2015, deux opérateurs (Véolia et Oxipio) ont tenté d’investir dans une gamme de service de logistique urbaine, sans succès. La problématique des mobilités et des réglementations (métropolitaines) n’encourageait pas l’utilisation d’un tel espace logistique. Cette année nous avons signé un accord avec un troisième opérateur en espérant que son modèle économique de la logistique urbaine sera pérenne dans un contexte institutionnel qui s’annonce plus favorable.
Aujourd’hui, au regard des nouvelles pratiques des consommateurs et des enjeux climatiques, quels sont les projets pour le développement de ce centre ? Quels sont les enjeux logistiques majeurs ?
A l’avènement de l’ère digitale, les processus de distribution urbaine se complexifient en exigeant une organisation urbaine favorable aux livraisons just in time*. Il ne s’agit plus d’une simple livraison de marchandises en ville, mais de la mise en place d’un large panel de services aux consommateurs (points relais, points d’accueil des véhicules, approvisionnement multimodal, stock flottant, hôtels logistiques, etc.).
C’est dans ce contexte que Ports de Lille met à disposition aux commerçants, logisticiens et transporteurs son espace logistique polyvalent à dimension métropolitaine. Des hubs logistiques tel que notre CMDU, en collaboration avec d’autres sites, sont en mesure de gérer des flux importants, palettisés et conteneurisés en faisant l’interface entre le transport massifié et la distribution fine. Il est possible d’y réaliser des opérations de type « cross-docking* » de marchandises légères (caisses mobiles, colis) en mettant à disposition des utilisateurs des moyens de manutention, locaux, stationnement et équipement pour véhicules (une station GNC* est déjà à disposition).
Ports de Lille est actuellement en pleine transformation vers la responsabilité sociétale. Avec de différents partenaires régionaux, nous mettons en place de nouveaux projets qui s’inscrivent dans une démarche collective de la transition énergétique et numérique. Des projets tels que la station multi-énergie, le projet Roquette, REV3, le jumeau numérique de la supply chain, les certifications ISO 9001, OEA et BREEAM sont quelques exemples de notre forte volonté de répondre aux besoins actuels et futurs des chargeurs, des logisticiens et de la société en général.
Situés en cœur de métropole, les Ports de Lille c’est aussi une situation particulière et des partenariats avec les grands ports maritimes de Dunkerque, Calais, ou Anvers. Comment vous positionnez-vous dans cet ensemble ?
Les Hauts-de-France, une des régions les plus industrielles de France, misent sur la logistique comme moteur économique. Au carrefour de grandes capitales de l’Europe du nord-est, les Hauts-de-France sont au croisement des grands flux de marchandises. En effet, le port accueille un large panel d’entreprises allant du BTP, au transport, stockage et logistique en passant par le secteur de la valorisation, de la location de bureau et de l’agroalimentaire.
Comme tous les ports intérieurs, Ports de Lille cherche à renforcer son positionnement de l’hinterland en s’intégrant aux chaines logistiques internationales pour devenir une véritable plateforme entre les systèmes de transport, de production et de distribution. Nous développons l’offre multimodale à l’entrée de la métropole lilloise au service de la ville et des industriels régionaux.
Aussi, Ports de Lille est un des partenaires fondateurs de Norlink, la fédération régionale des acteurs de la chaîne logistique (maritime, ferroviaire, fluvial, plaisance). L’objectif étant de réunir les forces régionales autour de la table pour mieux répondre aux enjeux du transport multimodal à une plus grande échelle. Dans ce contexte, les ports maritimes et les plateformes intérieures sont nos partenaires avec qui nous partageons de nombreux thèmes : report modal, promotion régionale, développement durable, sureté/sécurité et numérisation.
Les premiers coups de pioche du Canal Seine Nord interviendront en 2020 pour une mise en service progressive en 2028. C’est à la fois court et long. Comment les ports de Lille se préparent ?
Le Canal Seine Nord Europe (CSNE) est un projet prioritaire pour les Hauts-de-France ayant pour but de servir au redéploiement d’activités industrielles accessibles aux transports massifiés et alternatifs à la route. C’est un intérêt partagé et en complémentarité avec la stratégie de Ports de Lille.
Plus les activités industrielles de la région sont fortes, plus il y aura d’opportunité pour le fret massifié aux plateformes intérieures.
Comme tous les acteurs économiques, nous attendons avec grand intérêt la programmation des investissements dans les futures plateformes (Marquion, Noyon, Péronne, Nesle). Le Canal Albert, le Canal Bruxelles-Charleroi, les canaux hollandais sont des exemples de bonnes pratiques.
En attendant l’arrivée du CSNE, nous poursuivons le développement de l’offre multimodale en l’alignant avec la politique de la responsabilité sociétale et aux besoins de nos clients tout en nous inscrivant dans les corridors européens nord-sud et en nous préparant pour les corridors est-ouest.
* livraisons just in time : Le juste-à-temps est une méthode d’organisation et de gestion de la production qui consiste à minimiser les stocks et les en-cours de fabrication.
*Cross-docking : Le cross docking est un type de préparation de commandes permettant de se passer des phases de stockage des produits en entrepôt et du picking. En savoir plus sur le cross-docking.
*GNC : Gaz Natural Comprimé